AAP : Revue Cosmos – ÉSOTÉRISMES, OCCULTISMES, COMPLOTISMES & ÉCOLOGIES POLITIQUES
Dans le cadre de son futur numéro, la revue *Cosmos* lance un appel à contribution en vue de recueillir des propositions portant sur les liens existant entre l’occultisme, l’ésotérisme et l’écologie politique. Pour plus de détails, je vous joins en fin de message le texte de l’appel.
Bien cordialement,
*Cosmos**, la revue grand public qui explore les liens entre ésotérisme, occultisme, complotisme etpolitique, prépare son deuxième numéro. Si vous êtes chercheur.euse.s, doctorant.e.s, étudiant.e.s journalistes,observateur.rice.s, militant.e.s, vous pouvez contribuer.* *Merci de nous faire parvenir vos propositions d’articles dèsà présent* *(nous les étudierons rapidement et reviendrons vers vous dans les plus* *brefs délais) et vos articles finis avant **le 30 septembre 2025.*
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Le changement climatique et l’intensité des catastrophes naturelles, la sixième extinction de masse, la pollution généralisée des sols, des eaux et de l’atmosphère, l’érosion côtière, etc. : les alertes ne manquent pas pour constater que le modèle globalisé du capitalisme industriel conduit à une destruction significative de la biosphère.
Face à ce constat, les réponses abondent, qu’elles soient politiques ou individuelles, et derrière elles, ce sont souvent des façons différentes de voir le monde qui portent des ambitions écologistes – ou prétendument écologistes – variées. Du capitalisme vert et son *greenwashing *à la *deep ecology*, de la décarbonation de l’industrie et du tri desdéchets aux *low-tech *et aux programme *zero waste*, de l’écologie politique à l’écoterrorisme, l’écologie devient un enjeu protéiforme, adaptable à la diversité des idéologies politiques qui s’en emparent, qu’elles soient de droite, centristes ou de gauche, qu’elles annoncent une rupture nette avec l’économie capitaliste ou au contraire un maintien de celle-ci dans des formes annoncées comme plus « durables ».
Dresser un panorama de cette diversité serait un projet long et ambitieux, tant le sujet est vaste et ses acceptations nombreuses. Comme souvent dans les catégorisations politiques, il serait réducteur de nommer l’écologie politique au singulier car les mouvements prenant ce sujet comme central dans leurs objectifs et leurs représentations sont nombreux, disparates, appartenant à des traditions idéologiques variées. Il existe donc bel-et-bien différentes tendances au sein del’écologie politique, portant chacune des modalités d’actions propres, des représentations du monde leur appartenant. En effet, au cœur de ces idéologies s’immiscent des questionnements philosophiques interrogeant des concepts comme la *nature*, la *civilisation*, le *sauvage*, l’*animalité*, l’*être humain*, le *vivant*, etc. À ces concepts – qui se caractérisent par leurs polysémies – s’ajoutent des considérations, à leur tour philosophiques, touchant à la nature du progrès, de la réforme et de la révolution ou, au contraire, de la réaction et du conservatisme.
L’écologie politique est donc protéiforme, tant dans les idéologies la composant que dans la multitude de pratiques militantes la supportant. Elle est ainsi le véhicule de représentations qui peuvent être soumises à des interprétations variées, voire contradictoires. Si elle peut être matérialiste, se reposant sur un corpus de données scientifiques, elle peut aussi embrasser le champ d’une métaphysique mâtinée de considérations idéalistes, vitalistes ou spiritualistes. Lorsqu’elle se risque à essentialiser les phénomènes naturels, elle peut enfin, au risque de passer sous la guillotine de Hume, s’enliser dans des appels à la nature fixant un ordre strict du monde, indépassable.
L’écologie n’appartient donc pas à un courant politique particulier. Elle est un objet dont on se saisit, soit par opportunisme et électoralisme, soit car il est au cœur de représentations idéologiques spécifiques. À l’inverse, l’écologie peut être considérée comme négative, néfaste à la liberté individuelle et à celle des marchés. Elle peut être alors incorporée, comme ennemie, à des théories climatosceptiques niant l’évidence et l’imminence du changement climatique.
Pour son deuxième numéro, *Cosmos *propose d’interroger les liens entre ésotérismes, occultismes, complotismes, spiritualités et écologies politiques.
Si le terme d’écologie renvoie, dans son acceptation originelle fondée en 1866 par le zoologiste et biologisteallemand Ernst Haeckel, à l’étude du milieu, il s’est peu-à-peu transformé en
objet politique, c’est-à-dire en élément constitutif de projets politiques de sauvegarde et de conservation des milieux. Ainsi, l’écologie devient le nœud de représentations sociales, voire de cosmogonies, interrogeant la place de l’être humain dans son biotope et questionnant, d’une part, ce qui doit être conservé et comment, et d’autre part ce qui peut êtretransformé et artificialisé. Comme objet politique, l’écologie devient donc un objet éthique et métaphysique, voir ontologique et essentialiste.
Nécessairement, au sein du questionnement écologique réside la notion de *nature*, concept à la définitionimprécise, et avec elle, la notion de *culture*, à son tour imprécise. L’opposition des deux concepts ou, au contraire, l’inclusion du second dans le premier, façonnent des représentations différentes, construisent des cosmogonies diverses. Ici peuvent dès lors s’immiscer d’autres représentations incluant des éléments religieux, surnaturels, spiritualistes, ésotériques et occultes.
Si de nombreux chercheurs se sont intéressés aux nouvelles spiritualités et à leurs contacts avec l’écologie politique, force est de constater que les liens entre cette dernière et des considérations ésotéristes, traditionalistes et réactionnaires, ne sont que trop rarement soulignés (cf. Laurant, 2013 ; François, 2022 ; Drique, Merckaert *et al. *: 2025). Il plane bien souvent un relativisme épistémologique conciliant (cf. *Les êtres de la vigne*, de Jean Foyer (2024)), voir une connivence certaine, sinon une méconnaissance réelle des cosmogonies ésotéristes et de leurs appréhensions naturalisées des faits sociaux.
Comme exemple, nous pouvons citer les liens étroits entre certaines formes d’écologie politique, les nouvelles spiritualités (pouvant intégrer des pratiques telles que la méditation ou la géobiologie) et l’anthroposophie où cette dernière joue un rôle significatif dans la structuration idéologique et matérielle d’un vaste tissu institutionnel fait d’associations, d’écoles, de maisons d’éditions, de banques (comme la NEF), de foncières agricoles, etc. Nous noteronsici une collusion, au moins partielle, entre ces structures et d’autres, comme les réseaux d’écovillages, le réseau *Colibris *(qui fut, entre autres, promoteur de la biodynamie) ou encore la collapsologie (cf. Charbonnier, 2019).
Un autre exemple est celui de l’écologie telle que portée par des mouvances néo-droitières, s’inscrivant dans une vision du monde néo-païenne et *völkisch*. Ici, l’ethnodifférentialisme trouve sa légitimité dans la variété des terroirs, des paysages et des climats, où une terre produit et façonne un peuple qui lui est spécifique. Cette écologie raciale fondeainsi la notion de « patrie charnelle » telle qu’elle fut établie par Saint-Loup, où l’Europe – comme entité géographique ethniquement homogène – doit être « repensée à partir de la notion biologiquement fondée du sang et des impératifs telluriques du sol » (Saint-Loup, 1976). Ici, l’écologie sert de support à une dialectique du peuple et de la terre distinguant des aires civilisationnelles et raciales. Cette dialectique, fondée sur la triade « race, sang, sol » se retrouve également aujourd’hui dans la formule *Une terre, un peuple*, l’ouvrage de Pierre Vial (2000), ancien membre du GRECE et penseur folkiste, à l’origine de l’organisation Terre et Peuple (François, 2021 : 92), ou encore sous la plume des traditionalistes évoliens et identitaires Philippe Baillet et Giovanni Monastra (Baillet & Monastra, 2017). En actes, ces considérations légitiment des doctrines politiques comme le localisme porté par certains cadres du Rassemblement National – à l’image d’Hervé Juvin qui fut chroniqueur dans la revue *Éléments *et promoteur d’une « écologie identitaire » (François, 2022 : 18, 27). Aujourd’hui, l’écofascisme réactive des positions similaires (Francois, 2022), comme en témoigne le dernier ouvrage de l’influenceur d’extrême droite Julien Rochedy, *Surhommes et sous-hommes *(2023).
Si ces deux exemples peuvent paraître éloignés dans leurs formes et leurs mises en actes – la majorité des écovillages s’inscrivant plutôt dans des mouvances de gauche, là où les descendants assumés des thèses *völkisch *seront plutôt à la droite du spectre politique, et quand bien même l’idée d’une *troisième voie *« ni de droite, ni de gauche » habiteles deux sphères –, ils se fondent tous deux sur l’idée d’une « nature vivante », socle doctrinal de l’ésotérisme occidental tel qu’il se déploie depuis le XIXe siècle (François, 2009). Au-delà, cette représentation d’une « nature vivante », et donc d’une « Terre vivante » – Gaïa –, se structure, ainsi que le note Sébastien Dutreuil, comme une alternative, née de sa critique, de la Modernité : « chacune des formes d’enthousiasme quant à Gaïa
est venue d’un décalage avec la modernité : néovitalismes ; sacré de la nature ; agentivité des êtres vivants, création de liens entre science, morale, spiritualité, théologie et poésie ; unité de la matière et de l’esprit, de la nature et de la culture, retour à la terre et néocommunalisme. La raison est au fond assez simple : si ce qui constitue le fondement originel de la modernité est la mort de la nature et une conception mécanique du cosmos, alors, toute réhabilitation, même partielle, de l’idée d’une nature ou d’une Terre vivante met immédiatement en tension l’ensemble de l’héritage moderne » (Dutreuil, 2024 : 341).
Ainsi, la critique de la Modernité, fort présente dans nombre de discours et *praxis *écologistes, lie une nébuleuse de représentations qui se croisent et se nourrissent les unes et les autres, transcendant souvent les catégories politiques, rendant confuses, sinon caduques, les distinctions entre la droite et la gauche. Face à la Modernité, c’est bel et bien la « tradition » (comme fantasme d’un *toujours-là *– spirituel et politique – perdu qu’il faudrait retrouver) qui est recherchée, dans une forme de pureté originelle, dans un lien charnel supposé et aujourd’hui perdu entre l’Homme et la Nature. Contre la Modernité, c’est donc un passé fantasmé qui est recherché, qu’il soit païen ou animiste (on ira chercher desréférences spirituelles chez les « peuples premiers », supposément vierges de toute corruption moderne), ces deux catégories religieuses étant alors vécues comme liant profondément – enracinant – l’individu humain à l’ensemble de la biosphère (et de l’Univers dans son entier), dans des formes de correspondances et de réciprocités magiques. Nous pouvons penser ici à la figure récemment réifiée de la sorcière, à la fois femme-nature porteuse de Vie, guérisseuse et victime de la Modernité patriarcale. Le féminin, comme principe, devient alors sacré ; l’écologie se vit ainsi comme écospiritualité.
Cette critique de la Modernité va aussi s’incarner dans les discours complotistes, qu’il s’agisse de la suspicion envers la biomédecine, incarnée par la figure de « Big-Pharma », entité capitaliste aux mains de conspirateurs organisant le « Nouvel Ordre Mondial » en agissant au sein de « l’État profond », ou de celle envers le GIEC, instigateur d’un « catastrophisme » climatique dont l’unique vocation serait de « maintenir les peuples dans la peur » pour mieux les contrôler. Dans le premier cas, l’appel à la nature consiste à se replier vers des médecines alternatives, douces et «naturelles », en évitant la corruption du corps par la chimie moderne ; dans le second cas, il s’agit de nier la réalité du changement climatique en déniant la responsabilité des modes de production du capitalisme industriel et eninvoquant des changements climatiques d’ordre
« naturels ».
Pour son deuxième numéro, la revue *Cosmos *recherche donc des contributions explorant les liens entre ésotérismes et écologies politiques. Ces contributions peuvent être des études de cas, historiques, sociologiques ouethnographiques, traitant d’une idéologie ou d’une doctrine spécifique, d’une mouvance particulière, d’une personnalité marquante, d’un concept clef. Il s’agira de mettre en évidence les liens entre écologies politiques, ésotérismes (Théosophie, Anthroposophie, New Age, etc.), occultismes (Wicca, sorcellerie, etc.), spiritualités et complotismes (climatoscepticisme, par exemple), pour interroger les rapports au monde, les cosmogonies et les croyances liés aux représentations véhiculées par les idées sur la nature et l’environnement, ainsi que les pratiques associées (luttes politiques, sphères associatives, *praxis *individuelles, etc.).
Bibliographie scientifique :
CHARBONNIER Pierre, 2019, « Splendeurs et misères de la collapsologie », in *Le Crieur*, La Découverte, Paris.
DRIQUE Marie, MERCKAERT Jean *et al.*, 2025, *Revue Projet. Les spiritualités au secours de la planète ?*, n° 347, C.E.R.A.S., La-Plaine-Saint-Denis.
DUTREUIL Sébastien, 2024, *Gaïa, Terre vivante*, La Découverte, Paris. FOYER Jean, 2024, *Les êtres de la vigne*, Wildproject, Paris.
FRANÇOIS Stéphane, 2009, « La Nouvelle Droite et l’écologie : une écologie néopaïenne ? », in
*Parlement, revue d’histoire politique*, L’Harmattan, Paris.
FRANÇOIS Stéphane, 2021, *La Nouvelle Droite et ses dissidences. Identité, écologie et paganisme*,
Le bord de l’eau, Lormont.
FRANÇOIS Stéphane, 2022, *Les vert-bruns. L’écologie de l’extrême droite française*, Le bord de l’eau, Lormont.
LAURANT Jean-Pierre (ss. dir.), 2013, *Politica Hermetica. Écologie et ésotérisme*, n° 27, L’Âge d’Homme, Paris.
Bibliographie des textes sources
MONASTARA Giovanni & BAILLET Philippe, 2017, *Piété pour le Cosmos. Les précurseurs antimodernes de l’écologie profonde*, Akribeia, Saint-Genis-Laval.
ROCHEDY Julien, 2023, Surhommes et sous-hommes, Valeur et destin de l’homme, Éditions du Royaume.
SAINT-LOUP, 1976, « Vers une Europe des Patries charnelles », in *Défense de l’Occident*, VIAL Pierre, 2000, *Une terre, un peuple*, Terre et Peuple, Lozanne.
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Pour toutes questions, envois de propositions d’articles ou d’articles, merci d’utiliser l’adresse mail suivante : revue.cosmos1@gmail.com
La date limite de réception des articles pour évaluation par le Comité scientifique est fixée au 30 septembre 2025.
Les articles ne doivent pas dépasser 55.000 signes, espaces compris.
Des propositions d’articles de 5000 signes peuvent nous être envoyées dès à présent.
Les articles, pour faciliter le travail de maquettage, doivent être rédigés au format suivant :
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Comité éditorial : Cédric LÉVÊQUE & Thibault BRICE.
— Adrien NONJON *Doctorant en Histoire * Institut des Langues et Civilisations Orientales (INALCO) – Centre Recherche Europe Eurasie (CREE)