AAC – « Money, money, money » : religions, capital, finances

Journée d’étude annuelle
de l’Association française d’histoire religieuse contemporaine
*Samedi 17 janvier 2026 à Paris*
*« Money, money, money » : **religions, capital, finances*

*Appel à communication*

*Vous pouvez envoyer vos propositions (titre, résumé d’un maximum de 500 mots et courte présentation biographique) à Mercè Prats, membre du bureau de l’association (**merce.prats@laposte.net <merce.prats@laposte.net>**), avant le 10 juin 2025.*

La question financière est l’un des lieux à partir duquel il est possible de saisir les processus de modernisation (et de résistances à la modernisation) qui touchent les religions à l’époque contemporaine. Le problème renvoie à des enjeux de natures très diverses, dont on ne donnera ici que quelques exemples.
Se pose d’abord une question qui ressort de l’histoire économique : celle de l’argent des religions et, plus généralement, de leurs possessions. Cette question concerne aussi bien le XIXe que le XXe siècle mais, pour ce qui est de l’Europe, elle prend une importance particulière au XIXe, où elle se charge d’une forte dimension politique. L’un des aspects centraux des processus de sécularisation en cours dans les pays de l’Europe chrétienne réside dans la confiscation des biens de l’Église et des congrégations par les États (nationalisation de la Révolution française, *desamortización* espagnole, *eversione* des biens ecclésiastiques dans les premières années du royaume d’Italie, etc.). Sur d’autres continents, la question des biens fonciers religieux entre en résonance avec celle de la colonisation : dans le cadre colonial, ces biens peuvent être confisqués ou bien étroitement contrôlés comme les biens *waqf* – de mainmorte – en Algérie coloniale ou sous les protectorats du Maghreb. Aux indépendances, la nationalisation de ces biens waqf contribue au processus de la sécularisation.
En lien avec ce processus, se pose dans des termes nouveaux le problème du financement des religions : financement du culte, de ses ministres, de ses bâtiments, mais aussi financement des œuvres, des missions, plus tard de l’humanitaire religieux, etc. Cette question qui ressort avant tout de l’histoire sociale revêt aussi une dimension politique forte. Que l’on pense, par exemple, au financement des cultes reconnus dans la France du XIX e siècle, puis après 1905 et la séparation de l’Église et de l’État. Ailleurs en Europe, la sécularisation a pu suivre des voies différentes, moins radicales.
Cette question donne à voir non seulement les rapports entre religions et États mais aussi ceux entre religions et fidèles, quand les offrandes de ces derniers prennent de l’importance. La naissance de la collecte du denier de Saint-Pierre en France témoigne ainsi de la transformation du lien des catholiques au chef de l’Église au milieu du XIXe siècle et notamment du poids inédit de la dévotion au pape. La question de la manière dont les religions recueillent et administrent les offrandes de leurs fidèles – qu’il s’agisse du denier, de la *zakât* ou de la *sadaqa*, en islam, de la *tsedaka *dans le judaïsme, ou plus largement de la notion d’offrande en dehors des religions monothéistes – est vaste. Elle comporte notamment une forte dimension de genre, puisque les femmes, notamment dans les milieux aristocratiques et bourgeois, se sont vues longtemps accorder une place importante dans les collectes. Elles coexistent avec des figures masculines de mécènes. Le monde associatif, quant à lui, occupe une position intermédiaire entre les ministres du culte et les laïcs, qu’il convient aussi d’examiner.
Un autre axe de recherche potentiellement fécond est celui de l’histoire des représentations. Le lien entre certaines religions et l’essor du capitalisme a ainsi pu être souligné, que ce soit pour le saluer, pour le dénoncer ou simplement pour y voir un facteur explicatif de certains processus historiques. On connaît l’association de l’éthique protestante à l’essor du capitalisme par Max Weber que de nombreuses études ont souvent conduit à nuancer. Dans un tout autre registre, les stéréotypes associant les protestants et les juifs à la finance ont occupé dès le XIXe siècle une place centrale aussi bien dans l’antiprotestantisme que dans l’antisémitisme.
Un dernier domaine d’études concerne l’histoire des idées religieuses. Il s’agit ici notamment d’étudier les discours des religions sur l’argent et sur la finance et leur impact sur les comportements des fidèles. Un des grands enjeux liés à cette question est celui du « désencastrement » de l’économie vis-à-vis de la morale religieuse, autrement dit de sa sécularisation. En islam, l’essor de la finance islamique traduit plutôt la volonté de réinscrire les pratiques économiques dans un cadre normatif religieux, dans un contexte marqué par la montée de l’islam politique.
Enfin, une attention particulière pourra être portée aux outils concrets par lesquels les institutions religieuses gèrent leurs ressources : systèmes comptables, informatisation des dons, investissements financiers – éthiques ou non. La montée de la finance dite « engagée » ou « solidaire » invite à repenser les choix économiques des acteurs religieux. De même, la figure du banquier – partenaire, contre-modèle – mérite d’être analysée dans sa diversité de fonctions et de représentations.

*Comité d’organisation :*
Édouard Coquet (Sorbonne Université, Centre d’histoire du XIXe siècle)
Arthur Hérisson (Centre d’histoire du XIXe siècle)
Marie Levant (MSC Fellow, École française de Rome, Institut français du Proche-Orient)
Mercè Prats (Laboratoire d’étude sur les monothéismes)
Chantal Verdeil (INALCO, CERMOM)

*Comité scientifique :*
Marie-Emmanuelle Chessel (CNRS, Centre de sociologie des organisations de Sciences Po)
Édouard Coquet (Sorbonne Université, Centre d’histoire du XIXe siècle)
Charlotte Courreye (Université Jean Moulin Lyon 3)
Michel Fourcade (Université de Montpellier Paul-Valéry, CRISES)
Arthur Hérisson (Centre d’histoire du XIXe siècle)
Marie Levant (MSC Fellow, École française de Rome, Institut français du Proche-Orient)
Natalia Núñez-Bargueño (MSC Fellow, KU Leuven)
Mercè Prats (Laboratoire d’étude sur les monothéismes)
Chantal Verdeil (INALCO, CERMOM)

*Bibliographie indicative : *
Bremond d’Ars Nicolas de, *Dieu aime-t-il l’argent ? Don, piété et utopie sociale chez les catholiques en France*, Paris, L’Harmattan, 2006.
Chessel Marie-Emmanuelle, Bremond d’Ars Nicolas de et Grelon André, *L’entreprise et l’Évangile. Une histoire des patrons chrétiens*, Paris, Presses de Sciences Po, 2018.
Crocella Carlo, *Augusta miseria. Aspetti delle finanze pontificie nell’età del capitalismo*, Milan, Nuovo istituto ed. italiano, 1982.
Drevet Richard, « Le financement des missions catholiques au XIXe siècle, entre autonomie laïque et centralité romaine : L’œuvre de la Propagation de la Foi (1822-1922) », *Chrétiens et sociétés (XVIe* *- XXe* *siècles)*, 9, 2002, p. 79‑114.
Haenni Patrick, *L’islam de marché : l’autre révolution conservatrice*, Seuil, 2005.
Hérisson Arthur, « ‪Une mobilisation internationale de masse à l’époque du Risorgimento : l’aide financière des catholiques français à la papauté (1860-1870)‪ », *Revue d’histoire du XIXe* *siècle*, 1/52, 2016, p. 175‑192.
Jacquemyns Guillaume, *Langrand-Dumonceau, promoteur d’une puissance financière catholique*, Bruxelles, Université libre de Bruxelles, 1960, 5 vol.
Marais Jean-Luc, *Histoire du don en France de 1800 à 1939. Dons et legs charitables, pieux et philanthropiques*, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1999.
Moisset Jean-Pierre, *L’État, l’argent et les cultes de 1958 à 1987. Contribution à l’histoire de la laïcité française*, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2018.
Moisset Jean-Pierre, *Les biens de ce monde. Les finances de l’Église catholique au XIXe siècle dans le diocèse de Paris (1802-1905)*, Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, 2004.
Pollard John Francis, *Money and the rise of the modern papacy. Financing the Vatican (1850-1950)*, Cambridge, Cambridge University Press, 2005.
Perrier Antoine, « Les sociétés de bienfaisance musulmane au Maroc : fiscalité, dons et subventions publiques dans le financement de l’action contre la pauvreté (années 1920 – années 1950) », *Revue d’histoire de la protection sociale*, 15, 2022/1, p.48-71.
Rodinson Maxime, *Islam et capitalisme*, Paris, Seuil, 1966.
Sroor Musa, *Fondations pieuses en mouvement, de la transformation du statut de propriété **des biens waqfs à Jérusalem (1858-1917)*, Beyrouth, Presses de l’IPFO/IREMAM, 2010.
Zytnicki Colette et Sibon Juliette, « Introduction au dossier : Charité et bienfaisance dans le monde juif en diaspora », *Les Cahiers de Framespa*, 15, 2014.