Proposition de bourse doctorale programme MITI « Chimie-Pollution-Textile : le textile tueil ? » (Chipotex)
Bonjour
voici un appel à candidature pour un contrat doctoral de trois ans en histoire contemporaine ouvert à l’université de Lille et financé par le CNRS dans le cadre du programme MITI – Mission pour les Initiatives Transverses et Interdisciplinaires. La recherche envisagée s’inscrit dans un programme pluridisciplinaire réunissant des chimistes, enseignants chercheurs du CEA et de Paris Cité et des historiens sur le développement des textiles synthétiques et ses effets sur l’environnement. Une doctorante chimiste est déjà en thèse depuis deux ans au CEA Paris Orsay dans le cadre du programme MITI, à partir d’octobre 2025 le recrutement d’un ou d’une doctorant.e en histoire viendra compléter l’équipe.
L’appel à candidatures va être publiée sur le site du CNRS mais rien n’interdit de susciter des candidatures par d’autres canaux
N’hésitez pas à diffuser et à répondre un grand merci
bien cordialement
> > > Fiche de poste > Bourse MITI – Mission pour les Initiatives Transverses et Interdisciplinaires- > CNRS de thèse d’histoire contemporaine > Sujet « Chimie-Pollution-Textile : le textile tue-t-il ? » > > Sous la direction de Béatrice Touchelay, professeure d’histoire contemporaine à l’université de Lille IRHiS UMR 8529 > Co-encadrement : Jean-Philippe Renault (DR) CEA Paris-Saclay et Stéphanie Devineau (MCU), UMR 3685 laboratoire NIMBE Chimie > Financement de trois ans à compter du 1er octobre 2025, 2200 € bruts en 2025, 2300 € brut en 2026 > > Profil recherché : bon niveau de M2 histoire ou M2 pluridisciplinaire, a déjà consulté des archives, intérêt pour l’histoire économique et sociale et celle des pollutions et de la santé publique (France et Europe contemporaines) et pour le croisement des disciplines, SHS et chimie en particulier. La réalisation du doctorat suppose de se déplacer dès octobre 2025 dans différents centres d’archives et de documentation en France. > > Candidature > Envoyer un CV et une lettre de motivation d’une page à beatrice.touchelay@univ-lille.fr <mailto:beatrice.touchelay@univ-lille.fr> > Un entretien avec l’équipe sera organisé après présélection des dossiers une fois que l’appel à candidature aura été publié sur le site du CNRS > > Mots clés > Histoire industrielle, Textile, Textile synthétique, Pollution, Santé publique, Chimie > > Présentation détaillée > > Le secteur textile est le pilier de la « révolution industrielle » enclenchée au XVIIIe siècle, d’abord en Angleterre puis qui se diffuse avec plus ou moins de vigueur sur le continent européen et en Amérique du Nord. Cette « révolution » repose sur la culture et la transformation d’une fibre naturelle (le coton) cultivée en Amérique et en Asie et transformée et consommée en Europe (Chassagne 1987). Au tournant des XVIII et XIXe siècles, la mécanisation des filatures et l’introduction d’une nouvelle source d’énergie (charbon-vapeur) entraînent une croissance industrielle inégalée et la mondialisation. « Fibre propre », légère et de maniement facile comparée aux autres comme la laine, le chanvre ou au lin, le coton est apprécié pour sa souplesse et sa capacité à fixer les teintures. > La brutale rupture des approvisionnements européens liée à la guerre de Sécession incite à multiplier les sites de production en Asie et en Afrique. Le secteur textile reste le premier pourvoyeur d’emplois des territoires de l’industrialisation européenne. Il est à l’origine de fortunes familiales et de dynasties patronales souvent paternalistes (Mastin 2011, Daumas 1999) mais qui, du moins pour celles qui traversent les siècles, manifestent une capacité d’adaptation remarquable pour se procurer les matières premières, en inventer de nouvelles, résister à la concurrence de pays à bas salaire et trouver de nouveaux débouchés et de nouveaux fournisseurs (Roberts 1996). > La force du secteur réside moins dans la substitution du capital au travail (la main-d’œuvre souvent féminine est peu couteuse) que dans sa capacité à innover et à nouer des alliances avec le monde de la chimie. Ces alliances expliquent le passage de la fibre naturelle à la fibre artificielle (ajouts de fibres non naturelles) puis à la fibre synthétique (fabrication de fibres par des procédés chimiques), qui commencent par imiter les capacités de la fibre naturelle puis qui les dépassent (Fibranne des années 1930 ou Tergal des années 1950, par exemple). La production textile est sans doute l’une de celles qui a connu le cycle d’innovation le plus complet, partant des innovations techniques, de procédés et de produits (mécanisation alliance avec la chimie), à celles des pratiques de vente (vente par correspondance qui bouleverse la distribution au milieu du XXe siècle) ou des alliances entrepreneuriales et des cartel (Barjot 1994). Pourvoyeur de profits élevés le secteur est aussi très sensible aux aléas de la conjoncture internationale et il sait être innovant. Les premières grandes alliances entre la chimie et le textile sont établies dans les années 1920-1930. La Seconde Guerre mondiale, l’occupation du territoire français, les difficultés du ravitaillement, les ponctions allemandes et la collaboration d’État consolident ces alliances autour de projets ambitieux comme celui de France-Rayonne (Pack 2024). A partir de 1945, la fermetures des débouchés coloniaux liées aux indépendances et la perspective du Marché commun obligent le textile français à de nouvelles adaptations. La concentration, l’externalisation ou les pressions sur les salaires dans les régions de mono activité textile ne suffisent plus à maintenir les marges. Les premières fermetures de sites, précurseurs d’une désindustrialisation à bas bruit, montrent que la crise du secteur est structurelle. L’alternative à la faillite est l’investissement et l’innovation. L’État soutient l’alliance entre le textile et la chimie à travers les plans textiles qui font la fortune de Marcel Boussac jusqu’à la crise de 1973 et son dépôt de bilan dans les années 1980. Peu d’entreprises françaises survivent alors à la concurrence asiatique et celles qui s’en sortent se spécialisent dans les textiles très spécifiques. La composition des fibres n’est plus du tout naturelle, le textile français est devenu hyper spécialisé et technique. > Ces transformations, et en particulier l’imbrication croissante avec le secteur de la chimie, sont étudiées dans deux thèses d’histoire récentes : celle de Victorien Pliez à l’université de Lyon 2 et celle d’Émilie Pack à l’université de Valencienne. Leurs recherches offrent des matériaux neufs pour reconstituer la chronologie de l’artificialisation du textile et analyser ses implications. Elles complètent une histoire du textile français qui est déjà très étoffée mais qui s’intéresse peu aux externalités résultant des transformations du produit. > La thèse devra à la fois analyser l’impact des procédés chimiques de fabrication des fibres sur l’environnement et préciser dans quelle mesure les fabricants qui créent ces nouveaux tissus se sont intéressés aux menaces qu’ils représentent pour la santé des personnes. Le projet revêt donc une triple facette, celle de l’histoire économique et sociale (des salariés du textile, des patrons et du patronat), celle de l’histoire environnementale (étude du cycle de vie des fibres et des possibilités de recyclage) et celle de l’histoire de la santé publique (effet de l’artificialisation des tissus sur la santé). > Trois régions qui ont plus ou moins bien réussi leur reconversion vers le textile artificiel ou synthétique au XXe siècle, Rhône Alpes ancien foyer de la soie, Est et Nord anciens territoires de la laine et du coton, seront étudiées pour la période courant des années 1920 (première poussée du textile artificiel) aux années 1970 (crise économique mondiale et crise structurelle du textile, – Chevalier 1991). Quelques cas comme celui du groupe Boussac, dont les archives sont conservées aux Archives nationales du monde du travail à Roubaix – ANMT- et qui est sans doute l’un des plus novateurs dans les années 1950, compléteront les recherches. Les effets des transformations du secteur sur l’environnement seront précisés en analysant les substances utilisées pour fabriquer les tissus les plus répandus (comme le Fibranne et le Tergal). Prélevés aux archives ou dans des musées, les échantillons seront analysés par le CEA (Orsay) qui précisera leur éventuelle toxicité pour la santé et étudiera leur processus de décomposition (impact environnemental). La recherche des procédés de fabrication et de la composition des tissus sera sans aucun doute semée d’embuches parce que les entreprises défendent jalousement leurs secrets de fabrication. Il faudra contourner ces résistances en mobilisant les archives départementales des principaux sites textiles (Épinal, Lille, Lyon) et les archives nationales (AN Pierrefitte pour les fonds des organisations professionnelles, ANMT à Roubaix, Service des archives économiques et financière de la France -SAEF- pour les politiques publiques), les musées du textile et la documentation et des techniciens et des entreprises qui fabriquent et commercialisent ces tissus (comme les catalogues de La Redoute ou de Damart, par exemple). La documentation professionnelle sera consultée à la Bibliothèque nationale de France, aux ANMT et dans les bibliothèques municipales pour l’essentiel. Une enquête auprès des entreprises textiles est également envisagée pour compléter ces données sur les effets de l’artificialisation du textile sur l’environnement et la santé publique depuis la Première Guerre mondiale. > Le/la doctorant.e d’histoire contemporaine recrutée pour ce projet sera intégrée à l’équipe pluridisciplinaire constituée depuis le début du projet Pollutex, J.-P. Renault et S. Devineau déjà cités, ainsi que Sarah Person, chimiste, doctorante financée par Pollutex qui travaille depuis un an et demi sur les échantillons de fils fabriqués depuis les années 1920. Hébergé à l’IRHiS, il/elle sera chargé.e de dépouiller les archives et d’étudier la documentation sur l’artificialisation du secteur. > Le travail est pionnier car si les effets de l’alliance du textile et de la chimie ont été analysés en termes de diversité des fibres et des tissus mis sur le marché, aucune recherche n’analyse l’impact des profondes transformations de la composition des tissus sur l’environnement ou la santé de leurs destinataires, qu’il s’agisse de vêtements, rideaux, tentures murales et autres fauteuils et coussins puis moquettes revêtements, etc.. > > Bibliographie allusive > Dominique Barjot, International Cartels Revisited: 1880-1980: Relating to the History of Business Development and International Economic Order, Cormelles: Éd., 1994. > Serge Chassagne, « La Naissance de l’industrie cotonnière en France, 1760-1840 : trois générations d’entrepreneurs », ANRT, 1987. > Jean-Marie Chevalier, « Éléments de réflexion stratégique sur la filière textile », Revue d’économie industrielle, vol. 56, 1991, p. 27-45. > Jean-Claude Daumas et alii, Dictionnaire historique des patrons français, Paris, Flammarion, 2010. > Jean-Claude Daumas, L’amour du drap : Blin & Blin, 1827-1975 : histoire d’une entreprise lainière familiale, Besançon, Presses univ. Franc-comtoises, 1999 ; Les territoires de la laine : histoire de l’industrie lainière en France au XIXe siècle, Presses universitaires du Septentrion Villeneuve-d’Ascq, 2004. > David A. Hounshell & John Kenly Smith, Science and Corporate Strategy: Du Pont R&D, 1902-1980, Studies in Economic History and Policy, Cambridge (GB): Cambridge university press,1988. > François Jarrige, Au temps des « tueuses de bras ». Les bris de machines à l’aube de l’ère industrielle (1780-1860), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009. > Hervé Joly, « Les grandes entreprises textiles françaises, des familles aux manageurs : histoire d’un échec (années 1970-1990) », in Jean-Paul Barrière et alii (dir.), Les trames de l’histoire : entreprises, territoires, consommations, institutions : mélanges en l’honneur de Jean-Claude Daumas, Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, 2017, p. 65-74. > Thomas Le Roux & François Jarrige, La contamination du monde. Une histoire des pollutions à l’âge industriel, Paris, Le Seuil, 2017. > Thomas Le Roux « La police des installations classées : le chemin de l’impuissance », dans Fabien Bottini (dir.), La police de la liberté en économie de marché : quelle(s) contrainte(s) pour quelle(s) liberté(s), Bretrange, Legitech, 2021, p. 50-59. > Geneviève Massard-Guilbaud, Histoire de la pollution industrielle : France, 1789-1914, Paris, EHESS, 2010. > Jean-Luc Mastin, « L’entente et le marché : le cartel des peigneurs de laine de Roubaix-Tourcoing (1881-1914) », in Revue d’histoire moderne et contemporaine 2011/2 (n° 58-2). > P. Ndiaye, Du Nylon et des Bombes : Du Pont De Nemours, le marché et l’État américain, 1900-1970, Paris, Belin, 2001. > Richard L. Roberts, Two Worlds of Cotton: Colonialism and the Regional Economy in the French Soudan 1800-1946, Stanford Calif: Stanford University Press, 1996. > Doctorats d’histoire contemporaine > Yael Gagnepain, « Entre accaparement et contamination : l’appropriation industrielle de l’hydrographie à Roubaix (Début du XIXe siècle – Milieu du XXe siècle) », Béatrice Touchelay dir., Université de Lille, 2023 (pepite-depot.univ-lille.fr/LIBRE/EDSHS/2023/2023ULILH045.pdf) > Émilie Pack, « Sur la corde raide, l’industrie textile française entre crises et transformations, 1930 à 1960 », Fréderic Attal dir., Université polytechnique Hauts de France Valenciennes, 2024 > Victorien Pliez, « Déclin et résilience de l’industrie textile rhônalpine. : Des années 1950 à nos jours », Hervé Joly dir., Université Lumière Lyon 2021 (theses.fr/2021LYSE2011) > > > > Béatrice Touchelay, professeure d’histoire contemporaine > Univ. Lille, CNRS, UMR 8529-IRHiS-Institut de Recherches Historiques du Septentrion, F-59000 Lille, France > pro.univ-lille.fr/beatrice-touchelay/ > ANR-21-CE41-0012 et séminaires Chiffrer et déchiffrer les empires coloniaux XIX-XXe siècles chiffrempire.hypotheses.org/ > > > >
voici un appel à candidature pour un contrat doctoral de trois ans en histoire contemporaine ouvert à l’université de Lille et financé par le CNRS dans le cadre du programme MITI – Mission pour les Initiatives Transverses et Interdisciplinaires. La recherche envisagée s’inscrit dans un programme pluridisciplinaire réunissant des chimistes, enseignants chercheurs du CEA et de Paris Cité et des historiens sur le développement des textiles synthétiques et ses effets sur l’environnement. Une doctorante chimiste est déjà en thèse depuis deux ans au CEA Paris Orsay dans le cadre du programme MITI, à partir d’octobre 2025 le recrutement d’un ou d’une doctorant.e en histoire viendra compléter l’équipe.
L’appel à candidatures va être publiée sur le site du CNRS mais rien n’interdit de susciter des candidatures par d’autres canaux
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bien cordialement
> > > Fiche de poste > Bourse MITI – Mission pour les Initiatives Transverses et Interdisciplinaires- > CNRS de thèse d’histoire contemporaine > Sujet « Chimie-Pollution-Textile : le textile tue-t-il ? » > > Sous la direction de Béatrice Touchelay, professeure d’histoire contemporaine à l’université de Lille IRHiS UMR 8529 > Co-encadrement : Jean-Philippe Renault (DR) CEA Paris-Saclay et Stéphanie Devineau (MCU), UMR 3685 laboratoire NIMBE Chimie > Financement de trois ans à compter du 1er octobre 2025, 2200 € bruts en 2025, 2300 € brut en 2026 > > Profil recherché : bon niveau de M2 histoire ou M2 pluridisciplinaire, a déjà consulté des archives, intérêt pour l’histoire économique et sociale et celle des pollutions et de la santé publique (France et Europe contemporaines) et pour le croisement des disciplines, SHS et chimie en particulier. La réalisation du doctorat suppose de se déplacer dès octobre 2025 dans différents centres d’archives et de documentation en France. > > Candidature > Envoyer un CV et une lettre de motivation d’une page à beatrice.touchelay@univ-lille.fr <mailto:beatrice.touchelay@univ-lille.fr> > Un entretien avec l’équipe sera organisé après présélection des dossiers une fois que l’appel à candidature aura été publié sur le site du CNRS > > Mots clés > Histoire industrielle, Textile, Textile synthétique, Pollution, Santé publique, Chimie > > Présentation détaillée > > Le secteur textile est le pilier de la « révolution industrielle » enclenchée au XVIIIe siècle, d’abord en Angleterre puis qui se diffuse avec plus ou moins de vigueur sur le continent européen et en Amérique du Nord. Cette « révolution » repose sur la culture et la transformation d’une fibre naturelle (le coton) cultivée en Amérique et en Asie et transformée et consommée en Europe (Chassagne 1987). Au tournant des XVIII et XIXe siècles, la mécanisation des filatures et l’introduction d’une nouvelle source d’énergie (charbon-vapeur) entraînent une croissance industrielle inégalée et la mondialisation. « Fibre propre », légère et de maniement facile comparée aux autres comme la laine, le chanvre ou au lin, le coton est apprécié pour sa souplesse et sa capacité à fixer les teintures. > La brutale rupture des approvisionnements européens liée à la guerre de Sécession incite à multiplier les sites de production en Asie et en Afrique. Le secteur textile reste le premier pourvoyeur d’emplois des territoires de l’industrialisation européenne. Il est à l’origine de fortunes familiales et de dynasties patronales souvent paternalistes (Mastin 2011, Daumas 1999) mais qui, du moins pour celles qui traversent les siècles, manifestent une capacité d’adaptation remarquable pour se procurer les matières premières, en inventer de nouvelles, résister à la concurrence de pays à bas salaire et trouver de nouveaux débouchés et de nouveaux fournisseurs (Roberts 1996). > La force du secteur réside moins dans la substitution du capital au travail (la main-d’œuvre souvent féminine est peu couteuse) que dans sa capacité à innover et à nouer des alliances avec le monde de la chimie. Ces alliances expliquent le passage de la fibre naturelle à la fibre artificielle (ajouts de fibres non naturelles) puis à la fibre synthétique (fabrication de fibres par des procédés chimiques), qui commencent par imiter les capacités de la fibre naturelle puis qui les dépassent (Fibranne des années 1930 ou Tergal des années 1950, par exemple). La production textile est sans doute l’une de celles qui a connu le cycle d’innovation le plus complet, partant des innovations techniques, de procédés et de produits (mécanisation alliance avec la chimie), à celles des pratiques de vente (vente par correspondance qui bouleverse la distribution au milieu du XXe siècle) ou des alliances entrepreneuriales et des cartel (Barjot 1994). Pourvoyeur de profits élevés le secteur est aussi très sensible aux aléas de la conjoncture internationale et il sait être innovant. Les premières grandes alliances entre la chimie et le textile sont établies dans les années 1920-1930. La Seconde Guerre mondiale, l’occupation du territoire français, les difficultés du ravitaillement, les ponctions allemandes et la collaboration d’État consolident ces alliances autour de projets ambitieux comme celui de France-Rayonne (Pack 2024). A partir de 1945, la fermetures des débouchés coloniaux liées aux indépendances et la perspective du Marché commun obligent le textile français à de nouvelles adaptations. La concentration, l’externalisation ou les pressions sur les salaires dans les régions de mono activité textile ne suffisent plus à maintenir les marges. Les premières fermetures de sites, précurseurs d’une désindustrialisation à bas bruit, montrent que la crise du secteur est structurelle. L’alternative à la faillite est l’investissement et l’innovation. L’État soutient l’alliance entre le textile et la chimie à travers les plans textiles qui font la fortune de Marcel Boussac jusqu’à la crise de 1973 et son dépôt de bilan dans les années 1980. Peu d’entreprises françaises survivent alors à la concurrence asiatique et celles qui s’en sortent se spécialisent dans les textiles très spécifiques. La composition des fibres n’est plus du tout naturelle, le textile français est devenu hyper spécialisé et technique. > Ces transformations, et en particulier l’imbrication croissante avec le secteur de la chimie, sont étudiées dans deux thèses d’histoire récentes : celle de Victorien Pliez à l’université de Lyon 2 et celle d’Émilie Pack à l’université de Valencienne. Leurs recherches offrent des matériaux neufs pour reconstituer la chronologie de l’artificialisation du textile et analyser ses implications. Elles complètent une histoire du textile français qui est déjà très étoffée mais qui s’intéresse peu aux externalités résultant des transformations du produit. > La thèse devra à la fois analyser l’impact des procédés chimiques de fabrication des fibres sur l’environnement et préciser dans quelle mesure les fabricants qui créent ces nouveaux tissus se sont intéressés aux menaces qu’ils représentent pour la santé des personnes. Le projet revêt donc une triple facette, celle de l’histoire économique et sociale (des salariés du textile, des patrons et du patronat), celle de l’histoire environnementale (étude du cycle de vie des fibres et des possibilités de recyclage) et celle de l’histoire de la santé publique (effet de l’artificialisation des tissus sur la santé). > Trois régions qui ont plus ou moins bien réussi leur reconversion vers le textile artificiel ou synthétique au XXe siècle, Rhône Alpes ancien foyer de la soie, Est et Nord anciens territoires de la laine et du coton, seront étudiées pour la période courant des années 1920 (première poussée du textile artificiel) aux années 1970 (crise économique mondiale et crise structurelle du textile, – Chevalier 1991). Quelques cas comme celui du groupe Boussac, dont les archives sont conservées aux Archives nationales du monde du travail à Roubaix – ANMT- et qui est sans doute l’un des plus novateurs dans les années 1950, compléteront les recherches. Les effets des transformations du secteur sur l’environnement seront précisés en analysant les substances utilisées pour fabriquer les tissus les plus répandus (comme le Fibranne et le Tergal). Prélevés aux archives ou dans des musées, les échantillons seront analysés par le CEA (Orsay) qui précisera leur éventuelle toxicité pour la santé et étudiera leur processus de décomposition (impact environnemental). La recherche des procédés de fabrication et de la composition des tissus sera sans aucun doute semée d’embuches parce que les entreprises défendent jalousement leurs secrets de fabrication. Il faudra contourner ces résistances en mobilisant les archives départementales des principaux sites textiles (Épinal, Lille, Lyon) et les archives nationales (AN Pierrefitte pour les fonds des organisations professionnelles, ANMT à Roubaix, Service des archives économiques et financière de la France -SAEF- pour les politiques publiques), les musées du textile et la documentation et des techniciens et des entreprises qui fabriquent et commercialisent ces tissus (comme les catalogues de La Redoute ou de Damart, par exemple). La documentation professionnelle sera consultée à la Bibliothèque nationale de France, aux ANMT et dans les bibliothèques municipales pour l’essentiel. Une enquête auprès des entreprises textiles est également envisagée pour compléter ces données sur les effets de l’artificialisation du textile sur l’environnement et la santé publique depuis la Première Guerre mondiale. > Le/la doctorant.e d’histoire contemporaine recrutée pour ce projet sera intégrée à l’équipe pluridisciplinaire constituée depuis le début du projet Pollutex, J.-P. Renault et S. Devineau déjà cités, ainsi que Sarah Person, chimiste, doctorante financée par Pollutex qui travaille depuis un an et demi sur les échantillons de fils fabriqués depuis les années 1920. Hébergé à l’IRHiS, il/elle sera chargé.e de dépouiller les archives et d’étudier la documentation sur l’artificialisation du secteur. > Le travail est pionnier car si les effets de l’alliance du textile et de la chimie ont été analysés en termes de diversité des fibres et des tissus mis sur le marché, aucune recherche n’analyse l’impact des profondes transformations de la composition des tissus sur l’environnement ou la santé de leurs destinataires, qu’il s’agisse de vêtements, rideaux, tentures murales et autres fauteuils et coussins puis moquettes revêtements, etc.. > > Bibliographie allusive > Dominique Barjot, International Cartels Revisited: 1880-1980: Relating to the History of Business Development and International Economic Order, Cormelles: Éd., 1994. > Serge Chassagne, « La Naissance de l’industrie cotonnière en France, 1760-1840 : trois générations d’entrepreneurs », ANRT, 1987. > Jean-Marie Chevalier, « Éléments de réflexion stratégique sur la filière textile », Revue d’économie industrielle, vol. 56, 1991, p. 27-45. > Jean-Claude Daumas et alii, Dictionnaire historique des patrons français, Paris, Flammarion, 2010. > Jean-Claude Daumas, L’amour du drap : Blin & Blin, 1827-1975 : histoire d’une entreprise lainière familiale, Besançon, Presses univ. Franc-comtoises, 1999 ; Les territoires de la laine : histoire de l’industrie lainière en France au XIXe siècle, Presses universitaires du Septentrion Villeneuve-d’Ascq, 2004. > David A. Hounshell & John Kenly Smith, Science and Corporate Strategy: Du Pont R&D, 1902-1980, Studies in Economic History and Policy, Cambridge (GB): Cambridge university press,1988. > François Jarrige, Au temps des « tueuses de bras ». Les bris de machines à l’aube de l’ère industrielle (1780-1860), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009. > Hervé Joly, « Les grandes entreprises textiles françaises, des familles aux manageurs : histoire d’un échec (années 1970-1990) », in Jean-Paul Barrière et alii (dir.), Les trames de l’histoire : entreprises, territoires, consommations, institutions : mélanges en l’honneur de Jean-Claude Daumas, Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, 2017, p. 65-74. > Thomas Le Roux & François Jarrige, La contamination du monde. Une histoire des pollutions à l’âge industriel, Paris, Le Seuil, 2017. > Thomas Le Roux « La police des installations classées : le chemin de l’impuissance », dans Fabien Bottini (dir.), La police de la liberté en économie de marché : quelle(s) contrainte(s) pour quelle(s) liberté(s), Bretrange, Legitech, 2021, p. 50-59. > Geneviève Massard-Guilbaud, Histoire de la pollution industrielle : France, 1789-1914, Paris, EHESS, 2010. > Jean-Luc Mastin, « L’entente et le marché : le cartel des peigneurs de laine de Roubaix-Tourcoing (1881-1914) », in Revue d’histoire moderne et contemporaine 2011/2 (n° 58-2). > P. Ndiaye, Du Nylon et des Bombes : Du Pont De Nemours, le marché et l’État américain, 1900-1970, Paris, Belin, 2001. > Richard L. Roberts, Two Worlds of Cotton: Colonialism and the Regional Economy in the French Soudan 1800-1946, Stanford Calif: Stanford University Press, 1996. > Doctorats d’histoire contemporaine > Yael Gagnepain, « Entre accaparement et contamination : l’appropriation industrielle de l’hydrographie à Roubaix (Début du XIXe siècle – Milieu du XXe siècle) », Béatrice Touchelay dir., Université de Lille, 2023 (pepite-depot.univ-lille.fr/LIBRE/EDSHS/2023/2023ULILH045.pdf) > Émilie Pack, « Sur la corde raide, l’industrie textile française entre crises et transformations, 1930 à 1960 », Fréderic Attal dir., Université polytechnique Hauts de France Valenciennes, 2024 > Victorien Pliez, « Déclin et résilience de l’industrie textile rhônalpine. : Des années 1950 à nos jours », Hervé Joly dir., Université Lumière Lyon 2021 (theses.fr/2021LYSE2011) > > > > Béatrice Touchelay, professeure d’histoire contemporaine > Univ. Lille, CNRS, UMR 8529-IRHiS-Institut de Recherches Historiques du Septentrion, F-59000 Lille, France > pro.univ-lille.fr/beatrice-touchelay/ > ANR-21-CE41-0012 et séminaires Chiffrer et déchiffrer les empires coloniaux XIX-XXe siècles chiffrempire.hypotheses.org/ > > > >