Projet de numéro spécial de la rédaction de 20 & 21. Revue d’histoire sur « Marc Bloch et l’histoire contemporaine »
Chères et chers collègues,
/20&21. Revue d’histoire/ prend sa part à la commémoration de l’assassinat de Marc Bloch par la Gestapo en lançant un appel à contribution, en vue de l’élaboration d’un numéro spécial de la revue consacré à « Marc Bloch et l’histoire contemporaine ». Vous en trouverez l’argumentaire ci-dessous.
Au plaisir de lire vos propositions de contributions ; bien à vous toutes et tous,
Antonin Durand (avec Marie-Bénédicte Vincent pour la co-rédaction en chef de /20&21. Revue d’histoire/).
*Projet de numéro spécial de la rédaction de /20 & 21. Revue d’histoire/*
*« Marc Bloch et l’histoire contemporaine »*
**
L’année 2024, qui a été marquée par les commémorations de la Libération en France, a donné lieu à plusieurs hommages à Marc Bloch, assassiné en tant que résistant par la Gestapo le 16 juin 1944. Des commémorations ont eu lieu en juin 2024 avec ses descendants en Creuse, là où est enterré Marc Bloch depuis 1975 et où il possédait une maison aux Fougères depuis 1930 (où il se réfugia avec sa famille après la débâcle en juillet 1940 et rédigea /L’Étrange défaite/) ; mais aussi à Perpignan en novembre 2024 en présence de sa petite-fille Suzette Bloch. Une commémoration a également été organisée en octobre 2024 à l’Institut de France. Et fin novembre 2024, la panthéonisation de Marc Bloch a été annoncée par le président de la République. Lors de ces hommages publics, des historiennes et historiens ont été invités à prendre la parole (et vont continuer à l’être) pour retracer la vie et l’engagement résistant de Marc Bloch mais aussi pour évoquer son travail historique. En effet, celui-ci n’intéresse pas seulement les médiévistes mais concerne l’ensemble de la discipline : par ses réflexions méthodologiques, par sa pratique et son plaidoyer pour l’histoire comparée, par son type d’approche imbriquant histoire économique et sociale mais aussi les représentations collectives, Marc Bloch est devenu une référence incontournable pour tous les étudiants et étudiantes en histoire.
A y regarder de plus près, pourtant, la figure de Marc Bloch telle qu’elle s’est cristallisée dans les manuels d’historiographie la limite à ses deux aspects les plus saillants : son parcours résistant, qui sauve l’honneur de la profession et explique son omniprésence dans l’onomastique universitaire, et sa contribution à la fondation des /Annales/, au risque de perdre de vue la singularité de son parcours intellectuel, réduit à une « école » dont la pluralité et les tensions sont sous-estimées (ou simplifiées) au profit du lien privilégié avec Lucien Febvre, cofondateur de la revue et premier gardien de la mémoire de Bloch après la Libération.
Comment penser l’apport de Bloch à l’histoire contemporaine ? Les contemporanéistes ont parfois vu chez Marc Bloch un pionnier de l’histoire immédiate, en référence à son analyse de la défaite de 1940 écrite « à chaud » par un acteur de la guerre, mobilisé comme il le souhaitait par patriotisme dans la Seconde Guerre mondiale à un âge avancé et malgré sa charge de famille nombreuse. Le témoin ici est aussi devenu une victime, d’abord des persécutions antisémites de Vichy et de l’Occupant puis de la répression féroce des activités de Résistance à partir de son engagement en 1943 dans Franc-Tireur.
Si les hommages aujourd’hui sont les bienvenus, ils ne remplacent pas une analyse historienne de l’apport pluriel de Marc Bloch à l’histoire contemporaine. C’est à cette réflexion que souhaiterait contribuer ce numéro spécial. Il s’agira de réfléchir à la manière dont la référence à Marc Bloch, figure tutélaire et passage parfois obligé dans les citations et notes de bas de page, sert effectivement à penser une démarche ou un objet en histoire contemporaine. Le numéro projeté pourra ainsi revêtir trois dimensions : une dimension historiographique d’abord, montrant en quoi les travaux de Marc Bloch peuvent nourrir l’évolution d’un champ de recherche, qu’il s’agisse d’histoire militaire (l’analyse de la défaite de 1940), sociale et économique (par exemple l’histoire des structures agraires sur la longue durée) ou culturelle (l’histoire des émotions collectives, des rumeurs, du corps) ; une dimension plus empirique en second lieu, rendant compte dans des recherches situées et concrètes de ce que différentes démarches individuelles d’historiennes et d’historiens doivent à la lecture de Marc Bloch ; une dernière dimension aborde le travail intellectuel de Marc Bloch et sa pratique professionnelle, appliquée à des domaines historiques différents mais dont la mise en œuvre en histoire contemporaine mérite d’être questionnée.
/20 & 21. Revue d’histoire/ lance un appel à toutes celles et ceux qui, en histoire contemporaine, souhaitent réfléchir à l’une (ou plusieurs) de ces dimensions. Les pistes indiquées ci-dessous indiquent un certain nombre de directions possibles sans être limitatives.
1-Sur la trajectoire de Marc Bloch :
– que sait-on de l’universitaire Marc Bloch, de ses enseignements (dans les lycées où il a enseigné à Montpellier et Amiens, dans l’ambiance intellectuelle particulière de Strasbourg dans les années 1920, qui venait d’être reconquise par la France, puis à la Sorbonne), de ses stratégies de carrière, de ses étudiants ?
– comment « désacraliser » la figure de Marc Bloch pour pouvoir travailler en utilisant ses travaux ?
2-Sur l’usage des travaux de Marc Bloch :
– comment des spécialistes de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale lisent-ils et/ou utilisent-ils /L’Etrange défaite/ ?
– l’histoire rurale contemporaine utilise-t-elle la référence aux travaux et à la méthodologie de Marc Bloch, notamment dans son rapport aux sources et aux « sciences annexes » ?
– l’histoire contemporaine des émotions et représentations collectives se sert elle des analyses des /Rois Thaumaturges/ ?
3-Sur la méthodologie développée par Marc Bloch :
– la méthode historique qui se dégage des multiples comptes rendus que Bloch a publiés dans les /Annales/ et ailleurs est-elle pertinente en histoire contemporaine ? Celles et ceux qui pratiquent l’interdisciplinarité en histoire contemporaine se placent-ils dans la filiation de Marc Bloch ?
– que devient aujourd’hui l’histoire comparée des sociétés européennes à l’heure du tournant transnational et global ? Est-elle dépassée ?
Modalités de soumission et calendrier :
Celles et ceux qui veulent participer à ce numéro spécial peuvent envoyer pour le 1^er mars 2025 une proposition d’une page au secrétariat de /20 & 21. Revue d’histoire/ à l’adresse suivante :
vingtieme.siecle@sciencespo.fr.
Le comité de rédaction examinera ces propositions et avisera les autrices et auteurs retenus. Les articles, qui ne dépasseront pas 50 000 signes notes et espaces compris, seront à envoyer à la même adresse pour le 1^er septembre 2025. Ils seront évalués, comme il est d’usage dans la revue, par son comité de lecture, qui statuera sur leur publication.
/20&21. Revue d’histoire/ prend sa part à la commémoration de l’assassinat de Marc Bloch par la Gestapo en lançant un appel à contribution, en vue de l’élaboration d’un numéro spécial de la revue consacré à « Marc Bloch et l’histoire contemporaine ». Vous en trouverez l’argumentaire ci-dessous.
Au plaisir de lire vos propositions de contributions ; bien à vous toutes et tous,
Antonin Durand (avec Marie-Bénédicte Vincent pour la co-rédaction en chef de /20&21. Revue d’histoire/).
*Projet de numéro spécial de la rédaction de /20 & 21. Revue d’histoire/*
*« Marc Bloch et l’histoire contemporaine »*
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L’année 2024, qui a été marquée par les commémorations de la Libération en France, a donné lieu à plusieurs hommages à Marc Bloch, assassiné en tant que résistant par la Gestapo le 16 juin 1944. Des commémorations ont eu lieu en juin 2024 avec ses descendants en Creuse, là où est enterré Marc Bloch depuis 1975 et où il possédait une maison aux Fougères depuis 1930 (où il se réfugia avec sa famille après la débâcle en juillet 1940 et rédigea /L’Étrange défaite/) ; mais aussi à Perpignan en novembre 2024 en présence de sa petite-fille Suzette Bloch. Une commémoration a également été organisée en octobre 2024 à l’Institut de France. Et fin novembre 2024, la panthéonisation de Marc Bloch a été annoncée par le président de la République. Lors de ces hommages publics, des historiennes et historiens ont été invités à prendre la parole (et vont continuer à l’être) pour retracer la vie et l’engagement résistant de Marc Bloch mais aussi pour évoquer son travail historique. En effet, celui-ci n’intéresse pas seulement les médiévistes mais concerne l’ensemble de la discipline : par ses réflexions méthodologiques, par sa pratique et son plaidoyer pour l’histoire comparée, par son type d’approche imbriquant histoire économique et sociale mais aussi les représentations collectives, Marc Bloch est devenu une référence incontournable pour tous les étudiants et étudiantes en histoire.
A y regarder de plus près, pourtant, la figure de Marc Bloch telle qu’elle s’est cristallisée dans les manuels d’historiographie la limite à ses deux aspects les plus saillants : son parcours résistant, qui sauve l’honneur de la profession et explique son omniprésence dans l’onomastique universitaire, et sa contribution à la fondation des /Annales/, au risque de perdre de vue la singularité de son parcours intellectuel, réduit à une « école » dont la pluralité et les tensions sont sous-estimées (ou simplifiées) au profit du lien privilégié avec Lucien Febvre, cofondateur de la revue et premier gardien de la mémoire de Bloch après la Libération.
Comment penser l’apport de Bloch à l’histoire contemporaine ? Les contemporanéistes ont parfois vu chez Marc Bloch un pionnier de l’histoire immédiate, en référence à son analyse de la défaite de 1940 écrite « à chaud » par un acteur de la guerre, mobilisé comme il le souhaitait par patriotisme dans la Seconde Guerre mondiale à un âge avancé et malgré sa charge de famille nombreuse. Le témoin ici est aussi devenu une victime, d’abord des persécutions antisémites de Vichy et de l’Occupant puis de la répression féroce des activités de Résistance à partir de son engagement en 1943 dans Franc-Tireur.
Si les hommages aujourd’hui sont les bienvenus, ils ne remplacent pas une analyse historienne de l’apport pluriel de Marc Bloch à l’histoire contemporaine. C’est à cette réflexion que souhaiterait contribuer ce numéro spécial. Il s’agira de réfléchir à la manière dont la référence à Marc Bloch, figure tutélaire et passage parfois obligé dans les citations et notes de bas de page, sert effectivement à penser une démarche ou un objet en histoire contemporaine. Le numéro projeté pourra ainsi revêtir trois dimensions : une dimension historiographique d’abord, montrant en quoi les travaux de Marc Bloch peuvent nourrir l’évolution d’un champ de recherche, qu’il s’agisse d’histoire militaire (l’analyse de la défaite de 1940), sociale et économique (par exemple l’histoire des structures agraires sur la longue durée) ou culturelle (l’histoire des émotions collectives, des rumeurs, du corps) ; une dimension plus empirique en second lieu, rendant compte dans des recherches situées et concrètes de ce que différentes démarches individuelles d’historiennes et d’historiens doivent à la lecture de Marc Bloch ; une dernière dimension aborde le travail intellectuel de Marc Bloch et sa pratique professionnelle, appliquée à des domaines historiques différents mais dont la mise en œuvre en histoire contemporaine mérite d’être questionnée.
/20 & 21. Revue d’histoire/ lance un appel à toutes celles et ceux qui, en histoire contemporaine, souhaitent réfléchir à l’une (ou plusieurs) de ces dimensions. Les pistes indiquées ci-dessous indiquent un certain nombre de directions possibles sans être limitatives.
1-Sur la trajectoire de Marc Bloch :
– que sait-on de l’universitaire Marc Bloch, de ses enseignements (dans les lycées où il a enseigné à Montpellier et Amiens, dans l’ambiance intellectuelle particulière de Strasbourg dans les années 1920, qui venait d’être reconquise par la France, puis à la Sorbonne), de ses stratégies de carrière, de ses étudiants ?
– comment « désacraliser » la figure de Marc Bloch pour pouvoir travailler en utilisant ses travaux ?
2-Sur l’usage des travaux de Marc Bloch :
– comment des spécialistes de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale lisent-ils et/ou utilisent-ils /L’Etrange défaite/ ?
– l’histoire rurale contemporaine utilise-t-elle la référence aux travaux et à la méthodologie de Marc Bloch, notamment dans son rapport aux sources et aux « sciences annexes » ?
– l’histoire contemporaine des émotions et représentations collectives se sert elle des analyses des /Rois Thaumaturges/ ?
3-Sur la méthodologie développée par Marc Bloch :
– la méthode historique qui se dégage des multiples comptes rendus que Bloch a publiés dans les /Annales/ et ailleurs est-elle pertinente en histoire contemporaine ? Celles et ceux qui pratiquent l’interdisciplinarité en histoire contemporaine se placent-ils dans la filiation de Marc Bloch ?
– que devient aujourd’hui l’histoire comparée des sociétés européennes à l’heure du tournant transnational et global ? Est-elle dépassée ?
Modalités de soumission et calendrier :
Celles et ceux qui veulent participer à ce numéro spécial peuvent envoyer pour le 1^er mars 2025 une proposition d’une page au secrétariat de /20 & 21. Revue d’histoire/ à l’adresse suivante :
vingtieme.siecle@sciencespo.fr.
Le comité de rédaction examinera ces propositions et avisera les autrices et auteurs retenus. Les articles, qui ne dépasseront pas 50 000 signes notes et espaces compris, seront à envoyer à la même adresse pour le 1^er septembre 2025. Ils seront évalués, comme il est d’usage dans la revue, par son comité de lecture, qui statuera sur leur publication.