Learning from anomalies: boundaries, territories and state powers – Europe, 15th-21th centuries.
Vous trouverez, ci-dessous, un appel à contributions portant sur les anomalies frontalières en Europe de la fin du Moyen Âge à nos jours.
Mes collègues Maxime Kaci (historien), Paloma Puente Lozano (géographe) et moi-même en assureront la coordination.
J’espère que notre proposition suscitera l’intérêt de certain(e)s d’entre vous.
Bien à vous,
Benjamin Duinat
*Appel à contributions*
*Learning from anomalies: boundaries, territories and state powers – Europe, 15th-21th centuries.*
Appel à contributions pour la réalisation d’un numéro spécial qui prendra appui sur un atelier de travail préparatoire (17-19 juin 2025). Les articles seront soumis en novembre-décembre 2025 à la revue *Journal of Historical Geography* en vue d’une publication en 2026.
Ce numéro spécial portera sur les situations anomales au sein des espaces frontaliers européens de la fin du Moyen Âge à nos jours (xve-xxie siècles), un objet saisi dans une perspective transdisciplinaire associant au moins géographes, historien(ne)s et politistes.
Mots-clefs : *frontières, anomalies, États et Europe*.
*Argumentaire*
Les anomalies frontalières obligent à repenser certains modèles, notamment la construction territoriale des États. Mais qu’est-ce qu’une anomalie ? C’est une bizarrerie, une irrégularité, une déviation par rapport au type normal, une exception à la règle. Il s’agit donc de mesurer un hiatus, un écart, une variation, qui révèle en creux la nature d’un modèle étatique de construction de frontières internationales, rigide, souple ou mis à l’épreuve.
Mais il existe une ambiguïté, car l’anomalie est en même temps le substantif usuel correspondant aux adjectifs anormal et anomal. Or, sur le plan étymologique, le terme anomalie ne proviendrait ni du *nomos*, ni de la *norma*, mais du *omalos*, soit ce qui offre une surface égale, lisse, unie. L’*anomalos*, ce serait donc un terrain accidenté, inégal, capricieux… Un flottement sémantique qui est peut-être autant une chance qu’un obstacle, en ce sens que l’anomalie peut ainsi être envisagée comme un espace rugueux et rêche différent de modèles laqués trop souvent appliqués aux frontières interétatiques et à l’État moderne.
Notre ambition est d’interroger les anomalies situées aux frontières internationales, qui correspondent aux limites de souveraineté, d’exercice du pouvoir et de compétences territoriales. Or la production de régimes frontaliers normatifs dès le Moyen Âge accompagne l’émergence à la fois discursive et matérielle de ce qui est considéré comme une situation anomale au sein d’États territoriaux modernes : enclaves, souverainetés partagées, appartenances juridiques multiples, zones mixtes, ruptures temporaires de solidarités territoriales lors de crises, etc.
La démarche à mettre en œuvre correspond ainsi à une méthode inductive destinée à permettre *in fine* une montée en généralités. Elle a vocation à combiner deux approches qui s’avèrent, à bien des égards, convergentes et complémentaires. D’une part, la « pensée par cas » (J.-C. Passeron et J. Revel), c’est-à-dire la réflexion construite à partir de cas situés aux limites des pouvoirs étatiques, offre la possibilité de mettre à l’épreuve les modèles et les grands récits de l’affirmation et de l’hypothétique remise en cause des États territoriaux en Europe, de la fin du Moyen Âge à nos jours. D’autre part, ce questionnement recoupe la perspective critique des *Border Studies* qui se caractérise par un décentrement des regards, depuis les centres de pouvoir vers les sociétés pour relire les évolutions géopolitiques.
Bien entendu, les anomalies varient dans le temps et dans l’espace. Il s’agit donc d’explorer la manière dont des situations frontalières anomales ont été identifiées, définies, comprises, ce qui suppose de se demander comment elles ont pu perdurer, de quelle façon elles ont été combattues ou encouragées, en fonction de leurs intérêts divergents, par divers acteurs politiques et sociaux entre le xve siècle et le début du xxie siècle.
Si les initiateurs du présent dossier ont pu expérimenter une telle démarche et ses apports, force est de constater que celle-ci demeure fragmentée, cantonnée à un territoire précis ou à une période particulière dans le cadre de projets individuels. Notre ambition n’est pas de proposer une collection de cas spécifiques, mais bien de déployer une réflexion qui tire son originalité d’une mise en commun encouragée par un atelier de travail de trois jours, organisé en 2025 à l’Université des Pau et Pays de l’Adour. Cette rencontre permettra de comparer, de croiser et de concevoir collectivement les lignes de force de ce numéro spécial.
Ce projet s’inscrit par ailleurs dans une actualité à la fois historiographique et diplomatique appelant à renouveler nos questionnements sur les frontières d’hier et d’aujourd’hui. Les apports les plus récents de l’histoire coloniale constituent une incitation puissante à réinterroger l’Europe, à repenser la diversité des acteurs, leurs rôles et les processus historiques de construction et de pérennisation frontalière qui s’y déploient. L’actualité des guerres en cours montrent également, au prix de drames humains en Europe et ailleurs, que des limites interétatiques que l’on pensait à tort intangibles, durcies par le temps, sont souvent l’objet de contestations fondées sur ce qui est présenté comme d’intolérables anomalies à éradiquer.
Pour réaliser ce projet, un collectif international de chercheuses et de chercheurs sera réuni trois jours durant à Bayonne du 17 au 19 juin. Cette rencontre plurilingue se déclinera selon le modèle d’un atelier de travail et d’écriture consistant en un espace de discussion, de débat et, partant, d’amélioration des différentes parties composant le dossier scientifique. Cette organisation implique qu’une première version des textes aura été préalablement transmise (fin mai) pour nourrir les échanges collectifs.
*Critères d’évaluation des propositions*
Trois critères d’évaluation principaux ont été retenus. Les propositions devront d’abord s’appuyer sur l’étude d’un cas suffisamment original et singulier pour interpeller les lecteurs non spécialistes. Cette étude de cas doit ensuite impérativement nourrir une discussion plus générale sur l’affirmation et l’organisation territoriale des États en Europe. Une attention particulière sera accordée à la composition d’un dossier équilibré dans l’espace (toutes les parties de l’Europe) et dans le temps (l’arc chronologique allant du xve au xxie siècle)
*Modalités de soumission et calendrier*
Les propositions d’articles doivent être rédigées en anglais, correspondre approximativement à *500 mots* et inclure une présentation contextualisée de l’objet frontalier anomal, des sources mobilisées, de l’état de l’art et de la problématique envisagée.
À envoyer *avant le 6 janvier 2025* aux trois adresses électroniques suivantes :
benjamin.duinat@univ-pau.fr
maxime.kaci@univ-fcomte.fr
ppuente@hum.uc3m.es
Les articles (*10 000 mots*) devront être transmis à l’équipe de coordination du dossier *avant le 31 mai 2025* et seront débattus lors de la rencontre de trois jours qui aura lieu à Bayonne du 17 au 19 juin 2025 pour être soumis en novembre-décembre 2025 à la revue *Journal of Historical Geography*.
*Coordination du dossier*
Benjamin Duinat, historien, Université de Pau et des pays de l’Adour
Maxime Kaci, historien, Université de Franche-Comté – IUF
Paloma Puente Lozano, géographe, *Universidad Carlos III* de Madrid