Appel à communications pour la revue Tracés – « Epreuves d’autorité »

Bonjour,
La revue *Tracés* lance un appel à contribution pour le n°48 : « Epreuves d’autorité », coordonné par Corentin Durand, Elsa Génard et Mathilde Rossigneux-Méheust.
Les articles sont attendus pour le *30 mars 2024*.
Vous trouverez ci-dessous les premières lignes de l’appel et l’appel complet au lien suivant : traces.hypotheses.org/4034

Bien cordialement,
Elsa Génard, pour *Tracés*
PS : les parutions récentes de la revue sont le numéro 44 « Etats de crise » <journals.openedition.org/traces/14989>, le hors-série 2022 « L’interdisciplinarité « en effet » : sciences sociales, sciences naturelles » <journals.openedition.org/traces/14536>, le numéro 43 « Instabilités sémantiques <journals.openedition.org/traces/14071> », 42 « Sans contact <journals.openedition.org/traces/13563> ».

*T48. Épreuves d’autorité*
*Proposition de numéro coordonné par Corentin Durand, Elsa Génard et Mathilde Rossigneux-Méheust*
De quoi sont faites les relations entre employés et patrons, administrés et administrateurs, accusés et juges, fidèles et clergé, enfants et parents, patients et soignants, élèves et enseignants, etc. ? Ce numéro de *Tracés* propose de repartir d’une notion centrale et problématique de notre modernité politique – l’autorité – comme relation sociale, au-delà de sa seule acception comme concept politique (Horkheimer, Fromm, Marcuse, 2001 [1936] ; Arendt, 1989 [1961] ; Kojève, 2004), valeur morale ou qualité personnelle (Azoulay, 2004). La relation d’autorité se caractérise, par rapport à d’autres relations de pouvoir, par le fait d’être fondée sur des statuts de participation *a priori *asymétriques. Les actions ou les possibilités d’action des uns y sont conditionnées par la position de supériorité, le bon vouloir ou les décisions des autres
Nous invitons ainsi les contributeurs et les contributrices à analyser, dans différents domaines sociaux et à différentes époques, les interactions qui construisent, stabilisent et mettent à l’épreuve les relations d’autorité, ainsi que les dispositifs matériels, scripturaux, spatiaux, langagiers et moraux qui les produisent et dans lesquels elles s’inscrivent. Penser ensemble des configurations relationnelles et leurs conditions matérielles très diverses doit alors permettre de re-spécifier empiriquement et conceptuellement ce que ces relations ont en commun mais aussi ce en quoi elles varient.
L’approche interactionnelle, processuelle et relationnelle défendue par ce dossier permet de faire un pas de côté par rapport à la question tout sauf neuve de la « crise de l’autorité ». S’extraire des discours englobants et surplombants sur l’autorité et ses risques d’effritement ouvre la voie à une micro-analyse de l’autorité et de ses dispositifs. Cette focale ne doit bien sûr pas décourager des propositions qui articuleraient étude située et réflexion sur de plus grandes scansions historiques. L’analyse des lettres écrites ou dictées par Staline en termes d’« opérations relationnelles » par Yves Cohen constitue un exemple de l’articulation possible entre étude de cas micro et réflexion chronologique d’ampleur sur l’« idéologie du chef » (Cohen, 2014, p. 683-795).
Avec cette approche résolument micro, l’ambition de ce dossier est de penser ensemble plusieurs traditions des sciences sociales, attentives à la matérialité des relations d’autorité. On songe tout particulièrement aux travaux sur les institutions disciplinaires (Goffman, 1961 ; Foucault, 1975 ; Sykes, 2007), aux études historiques et sociologiques sur les suppliques et les dénonciations (Farge et Foucault, 1982 ; Boltanski, 1984 ; Bercé, 1990 ; Chateauraynaud et Torny, 1999 ; Fassin, 2000 ; Blum et Cerutti, 2018), aux travaux sur les relations de travail (Burawoy, 1982 ; Offerlé, 2007 ; Delpierre, 2022), à la sociologie du guichet (Lipsky, 1980 ; Dubois, 1999 ; Weller, 1999), à l’anthropologie de la bureaucratie (Hull, 2012 ; Hoag, 2011 ; Allard et Walker, 2016), aux recherches sur la fabrique de l’obéissance (Delalande, 2009 ; Saint-Fuscien, 2009), ou au récent chantier d’une « histoire sociale de la relation d’autorité » (Karila-Cohen, 2008 ; Saint-Fuscien, 2011 ; Karila-Cohen et Droit, 2016). Les contributions pourront également dialoguer avec un large éventail d’études philosophiques qui cherchent à penser le pouvoir comme une relation (Hegel, 2002 ; Certeau, 1990 ; Foucault, 1994 ; Honneth, 2000 ; Gros, 2019) ou s’interrogent sur la fabrique du consentement : travaux féministes sur la sexualité et la famille (Mathieu, 1991 ; Garcia, 2018 ; Garcia, Mazaleigue-Labaste et Mornington, 2023), travaux qui interrogent la notion de « servitude volontaire » ou de “désir de servitude” (La Boétie, 2022 [1577] ; Spinoza, 2022 [1670] ; Deleuze et Guattari, 1972), etc. Bien que cet appel ne parte pas d’une définition unique ou univoque du concept d’autorité, l’enjeu notionnel reste un des horizons possibles des contributions, si l’effort de conceptualisation naît de et s’articule à un souci d’historicisation et de description empirique des relations d’autorité.
Le choix d’une focale resserrée sur les relations interpersonnelles et les interactions permet de ne pas plaquer les mécanismes de pouvoir *a priori* sur les situations asymétriques qui sont au cœur de l’analyse. Il s’agit de saisir les structures de domination dans leur dimension concrète et historique, qu’elles soient liées au genre, à la classe, à la race ou à l’âge, en explorant dans le détail des relations de pouvoir en train de se faire. Objet en équilibre, en constante redéfinition, au travers d’actes, de décisions, de mots, de gestes, de signes, de mises en scène, qui font eux-mêmes constamment l’objet d’interprétations et d’« actions en retour » par les parties en présence (Lemieux, 2009), les relations d’autorité seront précisément étudiées au prisme de leurs déstabilisations, de leurs confirmations et de leurs déplacements. Ces moments critiques – que l’on peut qualifier comme des *épreuves *dans le vocabulaire des sociologies d’inspiration pragmatique et pragmatiste (Blic et Lemieux, 2005 ; Boltanski, 2009 ; Barthe et al., 2014 ; Chateauraynaud, 2015) – participent ainsi à la fois à la construction, au maintien et à la remise en cause des relations d’autorité.
Dans le sillage des *paperwork studies* attentives notamment à la fabrique des actes d’État (Hull, 2003 ; Weller, 2018), nous invitons les auteurs et autrices à intégrer à leur analyse, autant que faire se peut, une réflexion sur les manières de documenter les relations d’autorité (Lenzi, 2016). Quels dispositifs d’enquête, quels types de sources, quelles traces permettent d’observer, aujourd’hui comme dans le passé, de telles relations ? Comment se situent les chercheurs et chercheuses de sciences sociales, quand ils et elles explorent ces configurations ? Suite de l’appel à contribution ici : traces.hypotheses.org/4034