Séminaire – Le XIXe siècle, notre contemporain ?
Chères et chers collègues,
Je transmets cette annonce de séminaire de la part de mon collègue Johann Chapoutot.
Bien cordialement,
Nicolas Patin
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LE XIXe SIÈCLE, NOTRE CONTEMPORAIN ? Fondations des Treilles / Sorbonne Université.
Séminaire tenu à la Fondation des Treilles, 20-25 novembre 2023.
Le XIXème siècle est un continent assez largement méconnu du grand public, car il a été occulté, à partir des années 1990, dans les programmes et les pratiques de l’enseignement secondaire. Les enseignants passent vite de 1789 à 1914, de la grande Révolution Française à la Grande Guerre, deux événements fondateurs du monde contemporain. Entre les deux ? Un peu de Napoléon, certes, dans le sillage de la Révolution, puis des changements de régime dont la chronique se révélait bien fastidieuse, et des innovations techniques dont l’énumération faisait bailler d’ennui, en attendant d’aborder (enfin !) guerres mondiales et fascismes, réputés plus spectaculaires. Parent pauvre de la conscience historique générale, le XIXème siècle est cependant matriciel, pour le meilleur, comme pour le plus contestable. Certains évolutions (involutions ?) sociales actuelles font craindre, et dénoncer, un « retour au XIXème siècle », celui de Zola. Certaines tendances géoclimatiques contemporaines font inculper les « révolutions industrielles » de ce siècle, qui ont accouché d’une civilisation thermo-industrielle dont nous constatons les apories – le XIXème siècle est indubitablement celui de l’anthropocène, voire du pyrocène, celui du charbon et du feu. Il est aussi celui – en occident, du moins – des « nations », des « empires » (coloniaux), d’un capitalisme prédateur sans considération pour les hommes ou les écosystèmes – toutes pratiques soutenues par des discours, des « doctrines », disait-on alors, qui, pour avoir perdu de leur superbe, informent toujours notre monde : le racisme et le darwinisme social en sont de bons exemples. Le XIXème siècle fut aussi celui des grandes « questions » (« nationale », « sociale », « d’orient », mais aussi « juive », assez largement liée aux précédentes, du reste) ainsi que des réponses avancées pour tenter de les résoudre. En matière de relations internationales, les grandes conférences et conventions (de La Haye) ont tenté de penser la paix par le droit. En matière économique et sociale, les grandes doctrines émancipatrices, du socialisme à l’anarchisme, en passant par le communisme, le solidarisme et le catholicisme social, sont issues de son creuset. Le XIXème siècle apparaît ainsi triplement comme notre contemporain: par les tendances lourdes (économiques, sociales, culturelles) qui le structurent et qui se prolongent jusqu’au XXIème siècle (soit à flot continu, soir par hystérèse, soit en résurgence) ; par les questions qu’il se pose ; par les réponses qu’il apporte, et dont nous pourrions bénéficier. Mais ce n’est pas tout : ce siècle, intellectuellement fécond comme rarement, est aussi celui d’une multitude de possibles non advenus, de futurs envisagés, désirés, mais étouffés par des événements-monstre comme la Première guerre mondiale. Siècle proclamé de la vapeur et du moteur, il fut essentiellement celui de la traction animale et du moteur biologique dans l’industrie, comme celui d’une énergie hydraulique qui, avec l’animal, armait une « industrialisation douce » dont on s’inspire à nouveau aujourd’hui. Siècle apparent du nationalisme, du militarisme et d’un conformisme social caporaliste, et dont l’Allemagne wilhelminienne est la caricature burlesque, il fut le terreau, dans ce même pays, de réflexions et d’expérimentations sociales étonnantes mêlant pédagogies nouvelles, communautés de production agricole, naturisme et pacifisme. Ce mouvement de « réforme de la vie » (Lebensreform) se voulait le creuset d’une modernité alternative qui aurait banni l’aliénation, la sujétion, la pollution (sonore, atmosphérique…) au plus grand bénéfice d’un sujet humain considéré autrement que comme un « facteur de production » ou une « ressource humaine ». Ce mouvement-là, par le truchement des émigrations intellectuelles ultérieures (Marcuse) et des traductions littéraires (Hermann Hesse) devait se retrouver source d’inspiration majeure sur les campus américains des années 1960 et dans le mouvement hippie. Il s’agit donc de retrouver un XIXème siècle vivant et ouvert, redécouvert par une école historiographique talentueuse et attentive à ne pas apposer trop vite les scellés de 1914, cette grande catastrophe, sur une expérience humaine inédite qui, indubitablement, parle à notre temps, comme ressource critique majeure (quand il nous permet d’identifier les agressions actuelles) ainsi que comme source d’inspiration pour un monde que nombre de ses actrices et acteurs, dans les cénacles olympiens de la pensée comme dans les soutes et les marges de la société, ont travaillé à rendre plus humain. Ce siècle, après tout, n’est-il pas aussi celui qui a tenté de faire rimer histoire et espoir ?
Mardi 21 matin :
Johann CHAPOUTOT (Sorbonne Université) : « ‘Siècle du progrès’ et ‘âge de la régression’ : les contemporanéités du XIXe siècle ».
Quentin DELUERMOZ (Université Paris VII): « Le XIXe siècle est-il notre contemporain ? Sur la police, l’État-nation impérial et les révolutions ».
Mardi 21 après-midi :
Arnaud HOUTE (Sorbonne Université) : « Polices partout ? État, société et sécurité dans la France du XIXe siècle ».
Mathilde LARRERE (Université de Marne-la-Vallée) : « Mai 68, on s’en fout, on préfère 1871 ! Citations aux révolutions du XIXe siècle dans les mouvements sociaux contemporains ».
Delphine DIAZ (Université de Reims) : « ‘Des hommes qui abusent de l’hospitalité’. Bons et mauvais étrangers dans l’Europe occidentale du premier XIXe siècle ».
Mercredi 22 matin : Rencontre avec les lycéens et les enseignants HGGSP de Lorgues (83).
Mercredi 22 fin de matinée :
Pierre SINGARAVELOU (Université Paris I) : « Les musées, le XIXe siècle et le monde : retours d’expérience et perspectives ».
Mercredi 22 après-midi :
Natalie SCHWABL (Sorbonne Université) : « Église, État et nation en Croatie : les influences de Starcevic et Strossmayer du XIXe siècle à nos jours, ou la rémanence d’un national-catholicisme ».
Romy SANCHEZ (IRSH – CNRS) : « D’autres pirates des Caraïbes : relire le ‘siècle des émancipations’ depuis le Golfe du Mexique ».
Aurélia DUSSERRE (Aix-Marseille Université) : « Quels XIXe siècles pour le Maghreb ? ».
Jeudi 23 matin
François JARRIGE (Université de Dijon): « Aux sources de nos dépendances fossiles ? Le XIXe siècle au temps des enjeux écologiques et climatiques ».
Claire MILON (Sorbonne Université – Université de Strasbourg) : Le sens de la marche ? Randonner et fuir la modernité en Allemagne à la fin du XIXe siècle ».
Jeudi 23 après-midi : Relâche.
Vendredi 24 matin :
Emmanuel FUREIX (Université Paris XII) : « Protester par les rites et par les gestes: une démocratie informelle ? XIXe/XXIe siècle ».
Caroline FAYOLLE (Université de Montpellier) : « L’association ouvrière, une voie oubliée d’émancipation des femmes ? ».
Vendredi 24 après-midi :
Mathilde ROSSIGNEUX (Université Lyon II) : « Humanisation, stigmatisation, coercition dans les hospices de vieux au XIXe siècle. Interroger les effets de répétition des politiques d’assistance (XIX-XXIe siècles) ».
Anne KWASCHIK (Universität Konstanz) : « L’expérimentation sociale : les enjeux d’un dispositif historique ».
Je transmets cette annonce de séminaire de la part de mon collègue Johann Chapoutot.
Bien cordialement,
Nicolas Patin
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LE XIXe SIÈCLE, NOTRE CONTEMPORAIN ? Fondations des Treilles / Sorbonne Université.
Séminaire tenu à la Fondation des Treilles, 20-25 novembre 2023.
Le XIXème siècle est un continent assez largement méconnu du grand public, car il a été occulté, à partir des années 1990, dans les programmes et les pratiques de l’enseignement secondaire. Les enseignants passent vite de 1789 à 1914, de la grande Révolution Française à la Grande Guerre, deux événements fondateurs du monde contemporain. Entre les deux ? Un peu de Napoléon, certes, dans le sillage de la Révolution, puis des changements de régime dont la chronique se révélait bien fastidieuse, et des innovations techniques dont l’énumération faisait bailler d’ennui, en attendant d’aborder (enfin !) guerres mondiales et fascismes, réputés plus spectaculaires. Parent pauvre de la conscience historique générale, le XIXème siècle est cependant matriciel, pour le meilleur, comme pour le plus contestable. Certains évolutions (involutions ?) sociales actuelles font craindre, et dénoncer, un « retour au XIXème siècle », celui de Zola. Certaines tendances géoclimatiques contemporaines font inculper les « révolutions industrielles » de ce siècle, qui ont accouché d’une civilisation thermo-industrielle dont nous constatons les apories – le XIXème siècle est indubitablement celui de l’anthropocène, voire du pyrocène, celui du charbon et du feu. Il est aussi celui – en occident, du moins – des « nations », des « empires » (coloniaux), d’un capitalisme prédateur sans considération pour les hommes ou les écosystèmes – toutes pratiques soutenues par des discours, des « doctrines », disait-on alors, qui, pour avoir perdu de leur superbe, informent toujours notre monde : le racisme et le darwinisme social en sont de bons exemples. Le XIXème siècle fut aussi celui des grandes « questions » (« nationale », « sociale », « d’orient », mais aussi « juive », assez largement liée aux précédentes, du reste) ainsi que des réponses avancées pour tenter de les résoudre. En matière de relations internationales, les grandes conférences et conventions (de La Haye) ont tenté de penser la paix par le droit. En matière économique et sociale, les grandes doctrines émancipatrices, du socialisme à l’anarchisme, en passant par le communisme, le solidarisme et le catholicisme social, sont issues de son creuset. Le XIXème siècle apparaît ainsi triplement comme notre contemporain: par les tendances lourdes (économiques, sociales, culturelles) qui le structurent et qui se prolongent jusqu’au XXIème siècle (soit à flot continu, soir par hystérèse, soit en résurgence) ; par les questions qu’il se pose ; par les réponses qu’il apporte, et dont nous pourrions bénéficier. Mais ce n’est pas tout : ce siècle, intellectuellement fécond comme rarement, est aussi celui d’une multitude de possibles non advenus, de futurs envisagés, désirés, mais étouffés par des événements-monstre comme la Première guerre mondiale. Siècle proclamé de la vapeur et du moteur, il fut essentiellement celui de la traction animale et du moteur biologique dans l’industrie, comme celui d’une énergie hydraulique qui, avec l’animal, armait une « industrialisation douce » dont on s’inspire à nouveau aujourd’hui. Siècle apparent du nationalisme, du militarisme et d’un conformisme social caporaliste, et dont l’Allemagne wilhelminienne est la caricature burlesque, il fut le terreau, dans ce même pays, de réflexions et d’expérimentations sociales étonnantes mêlant pédagogies nouvelles, communautés de production agricole, naturisme et pacifisme. Ce mouvement de « réforme de la vie » (Lebensreform) se voulait le creuset d’une modernité alternative qui aurait banni l’aliénation, la sujétion, la pollution (sonore, atmosphérique…) au plus grand bénéfice d’un sujet humain considéré autrement que comme un « facteur de production » ou une « ressource humaine ». Ce mouvement-là, par le truchement des émigrations intellectuelles ultérieures (Marcuse) et des traductions littéraires (Hermann Hesse) devait se retrouver source d’inspiration majeure sur les campus américains des années 1960 et dans le mouvement hippie. Il s’agit donc de retrouver un XIXème siècle vivant et ouvert, redécouvert par une école historiographique talentueuse et attentive à ne pas apposer trop vite les scellés de 1914, cette grande catastrophe, sur une expérience humaine inédite qui, indubitablement, parle à notre temps, comme ressource critique majeure (quand il nous permet d’identifier les agressions actuelles) ainsi que comme source d’inspiration pour un monde que nombre de ses actrices et acteurs, dans les cénacles olympiens de la pensée comme dans les soutes et les marges de la société, ont travaillé à rendre plus humain. Ce siècle, après tout, n’est-il pas aussi celui qui a tenté de faire rimer histoire et espoir ?
Mardi 21 matin :
Johann CHAPOUTOT (Sorbonne Université) : « ‘Siècle du progrès’ et ‘âge de la régression’ : les contemporanéités du XIXe siècle ».
Quentin DELUERMOZ (Université Paris VII): « Le XIXe siècle est-il notre contemporain ? Sur la police, l’État-nation impérial et les révolutions ».
Mardi 21 après-midi :
Arnaud HOUTE (Sorbonne Université) : « Polices partout ? État, société et sécurité dans la France du XIXe siècle ».
Mathilde LARRERE (Université de Marne-la-Vallée) : « Mai 68, on s’en fout, on préfère 1871 ! Citations aux révolutions du XIXe siècle dans les mouvements sociaux contemporains ».
Delphine DIAZ (Université de Reims) : « ‘Des hommes qui abusent de l’hospitalité’. Bons et mauvais étrangers dans l’Europe occidentale du premier XIXe siècle ».
Mercredi 22 matin : Rencontre avec les lycéens et les enseignants HGGSP de Lorgues (83).
Mercredi 22 fin de matinée :
Pierre SINGARAVELOU (Université Paris I) : « Les musées, le XIXe siècle et le monde : retours d’expérience et perspectives ».
Mercredi 22 après-midi :
Natalie SCHWABL (Sorbonne Université) : « Église, État et nation en Croatie : les influences de Starcevic et Strossmayer du XIXe siècle à nos jours, ou la rémanence d’un national-catholicisme ».
Romy SANCHEZ (IRSH – CNRS) : « D’autres pirates des Caraïbes : relire le ‘siècle des émancipations’ depuis le Golfe du Mexique ».
Aurélia DUSSERRE (Aix-Marseille Université) : « Quels XIXe siècles pour le Maghreb ? ».
Jeudi 23 matin
François JARRIGE (Université de Dijon): « Aux sources de nos dépendances fossiles ? Le XIXe siècle au temps des enjeux écologiques et climatiques ».
Claire MILON (Sorbonne Université – Université de Strasbourg) : Le sens de la marche ? Randonner et fuir la modernité en Allemagne à la fin du XIXe siècle ».
Jeudi 23 après-midi : Relâche.
Vendredi 24 matin :
Emmanuel FUREIX (Université Paris XII) : « Protester par les rites et par les gestes: une démocratie informelle ? XIXe/XXIe siècle ».
Caroline FAYOLLE (Université de Montpellier) : « L’association ouvrière, une voie oubliée d’émancipation des femmes ? ».
Vendredi 24 après-midi :
Mathilde ROSSIGNEUX (Université Lyon II) : « Humanisation, stigmatisation, coercition dans les hospices de vieux au XIXe siècle. Interroger les effets de répétition des politiques d’assistance (XIX-XXIe siècles) ».
Anne KWASCHIK (Universität Konstanz) : « L’expérimentation sociale : les enjeux d’un dispositif historique ».