AAC Congrès de la SFHU : Sacrés paysages ! Arras, 21-22/03/2024

Chères et chers collègues,
Vous trouverez ci-dessous et en pièce jointe l’appel à communication pour le prochain congrès de la Société Française d’Histoire Urbaine. Intitulé Sacrés paysages ! Marquer le religieux en ville, il se tiendra à l’Université d’Artois les 21 et 22 mars prochain. Date-limite de réponse à l’AAC : 25 décembre 2023. N’hésitez pas à diffuser largement l’annonce !
Bien à vous, Virginie Mathé, pour le comité d’organisation et le bureau de la SFHU.
Les propositions (titre et résumé) sont à envoyer avant le 25 décembre 2023 à youri.carbonnier@univ-artois.fr <mailto:youri.carbonnier@univ-artois.fr>
Appel à communication pour le prochain Congrès de la SFHU
À l’université d’Artois, à Arras, les 21 et 22 mars 2024
Sacrés paysages ! Marquer le religieux en ville
La place de la religion dans la ville a déjà été abordée par la SFHU à quelques reprises, dans le cadre de numéros de la revueHistoire urbaine, qu’il s’agisse de la cathédrale (no 7, 2003), de la prédication en ville aux xvie-xixe siècles (no 34, 2012), de l’implantation du patrimoine ecclésiastique dans la ville (no 42, 2015) ou de la religion des Parisiens du xiiie au xviiie siècle (no 60, 2021). Le point commun de ces approches était à la fois chronologique (majoritairement consacré aux périodes médiévale et moderne) et géographique (européo-centré). En outre, le christianisme domine très largement, alors que la ville précède l’apparition du christianisme et des grandes religions subsistantes ailleurs dans le monde. Un ouvrage collectif récent issu d’un colloque s’est ainsi attaché à la « visibilité du religieux dans l’espace urbain de l’Europe moderne » (Élise Boillet et Gaël Rideau (dir.), La visibilité du religieux dans l’espace urbain de l’Europe moderne, Rennes, PUR, 2021). Or la question doit être posée bien au-delà de l’espace européen. Partout, les religions marquent les paysages urbains, en particulier par la construction d’édifices destinés au culte qui constituent autant de points de repère. Clochers et minarets sont familiers des territoires européens, mais on peut leur adjoindre les pagodes et les stupas du monde bouddhiste, les frontons des temples antiques ou les pyramides mésoaméricaines, dont la subsistance aujourd’hui dit la grandeur urbaine de jadis (par exemple, à Teotihuacan). Ces marqueurs visuels ne sont pas immuables : ainsi, le minaret est absent des premiers temps de l’Islam, la cathédrale gagne en ampleur à partir de l’époque gothique, la discrétion s’impose aux religions minoritaires… La visibilité dépend de l’implantation sociale ou politique de la confession, du régime politique, ou des mouvements artistiques et architecturaux. S’ils ne transforment pas nécessairement le paysage de façon nette, les emprunts ou les appropriations d’édifices existants par une religion devenue dominante témoignent symboliquement de l’évolution confessionnelle. Au sein du foisonnement thématique que permet l’étude de la place du sacré dans les paysages urbains, les journées de la SFHU proposent de suivre plusieurs pistes, sans exclure aucune période historique ou zone géographique. Les marqueurs religieux en ville, qu’ils soient visuels (croix, clochers, statues, minarets) ou sonores (cloches, muezzin), occupent une place de choix dans l’approche des paysages urbains. Les anciennes représentations des villes amplifient volontiers les édifices religieux (qui ornent aussi les sceaux, à Toulouse ou à Verdun, par exemple), montrant par là leur importance dans l’identité visuelle de la cité. Symboles de la ville, ces bâtiments constituent aussi des marqueurs confessionnels visibles. C’est précisément ce rôle qui entraîne la destruction de certains lieux de culte : ainsi des cathédrales détruites par les protestants dans le Midi de la France autour de 1565 ou par les révolutionnaires. Mathieu Lours a souligné (HU no 7) la portée symbolique de la cathédrale, fondatrice de lacivitas, qui entraîne des reconstructions « à l’identique » à Valence ou à Orléans ou tranchant au contraire sur le bâti environnant, comme à Montauban. Sur les continents américain et africain ainsi qu’en Europe, l’affirmation architecturale et urbaine des églises évangéliques est un phénomène marquant des dernières décennies. L’évolution de la perception des sons du religieux est intéressante : longtemps, ils furent, au-delà même de la religion, les seuls signes sensibles d’une temporalité rythmée au quotidien ou dans l’année par leur présence. Dans la ville contemporaine (en particulier en Occident), ces sons, désormais parfois perçus comme des bruits, sont de moins en moins bien compris ou acceptés, peut-être plus encore du fait de leur message religieux – la perception profane de ces marqueurs du temps ayant totalement disparu. À l’inverse, l’existence de certaines villes disparues n’est plus évoquée que par la subsistance, au sein d’une nature luxuriante ou de déserts, d’édifices religieux, qu’ils soient abandonnés, comme à Angkor ou en Irak (avec les ziggourats), soit encore entretenus malgré un usage restreint, comme dans la vieille Goa. L’existence d’itinéraires de procession ou de grands rituels dans l’espace public, la présence en ville de sources, d’arbres, de bois ou d’éléments sacrés de l’environnement (par exemple autour des terreiros des religions afro-brésiliennes) posent des questions d’urbanisme. Au-delà des éléments architecturaux, c’est aussi toute la dimension sacrée de l’espace urbain qui mérite d’être interrogée. Discrétion ou ostentation : la visibilité des religions minoritaires Longtemps discrets, voire cachés, les lieux de culte des minorités religieuses constituent un enjeu de la présence d’une communauté et créent des interrogations sur leur visibilité dans l’espace urbain. Les domus ecclesiae des chrétiens jusqu’à la liberté de culte accordée par Constantin en sont une illustration. Au Japon, au xvie siècle, la présence chrétienne s’inscrivit d’abord dans la continuité architecturale locale, ajoutant une croix au sommet d’édifices semblables à leur entourage au risque d’une forme d’invisibilité. Au xixesiècle, les styles architecturaux occidentaux dominent, mais restent discrets, avant que les reconstructions d’après-guerre ne viennent rebattre les cartes. Les constructions fonctionnelles d’une taille conforme à celle, réduite, des communautés ou à une discrétion répondant aux nouvelles options pastorales, alternent avec des gestes architecturaux forts (comme la cathédrale catholique de Tōkyō, dessinée par Kenzō Tange), oscillant entre discrétion et survisibilité, avec pour point commun la volonté de rester identifiable. Le judaïsme s’affirme à travers l’architecture de ses synagogues à partir du xixe siècle (voir les exemples parisiens ou berlinois), même si certaines synagogues antérieures émergent dans le paysage, comme à Amsterdam dès le xviie siècle. La reconstruction de la grande synagogue de Strasbourg, en remplacement de celle détruite par les nazis, constitue un symbole à la fois par le volume de l’édifice et par son nouvel emplacement entre le centre historique et le quartier européen. Le devenir des espaces sacrés, des édifices cultuels, après un basculement/changement religieux, un déclin du sentiment religieux ou une destruction constitue une piste éminemment contemporaine, bien qu’elle s’exprime depuis des siècles. La conversion des lieux de culte, attribués à la nouvelle confession dominante s’affirme très tôt, qu’il s’agisse d’anéantir jusqu’à la mémoire du culte déchu, ou simplement d’adapter un bâtiment à des usages différents. Les adaptations protestantes des églises catholiques en sont un exemple a minima. Plus radicales sont les temples païens et les basiliques christianisés, les mosquées utilisées comme églises en Espagne après la Reconquista (Cordoue) ou les églises transformées en mosquées, dont Sainte-Sophie de Constantinople est l’exemple le plus marquant. Il s’agit là d’un choix autant politique que religieux, aux échos très contemporains. Dans l’Occident catholique, la désaffection d’édifices religieux parfois monumentaux face à la baisse de la pratique s’inscrit au cœur des politiques patrimoniales et constitue un défi au sein duquel la question du paysage urbain est centrale, pouvant aller au-delà des enjeux strictement patrimoniaux. Que faire d’une église qui ne sert plus mais est inscrite dans le paysage et dans la mémoire des habitants ? La sécularisation (l’Église catholique peut les « désacraliser ») des espaces religieux et leur conversion en espaces laïcisés posent la question des usages convenables, de l’intervention des pouvoirs publics, du rôle des habitants dans les choix (habitations, musées, commerces, bibliothèques…), voire de l’entretien ou de l’effacement des marques religieuses. La symbolique et la question mémorielle nourrissent les réflexions qui suivent la destruction d’édifices religieux, qu’elle soit le résultat de destructions guerrières (cathédrale de Reims ou de Coventry, églises des villes allemandes, églises, temples et sanctuaires de Nagasaki, pour ne prendre que des exemples du dernier siècle) ou de catastrophes naturelles (édifices détruits par des séismes, en Italie, en Turquie ou en Iran). Cette dernière approche est intimement liée à la question de l’économie de la construction et de l’entretien des édifices religieux : qui finance l’édification (fabrique, diocèse, association, ville, État…) et l’entretien ? On pourra ainsi comparer les pratiques selon les religions, leurs adaptations face aux politiques publiques (en France, depuis 1905, alors que les édifices anciennement affectés au culte chrétien sont du ressort des autorités municipales ou nationales, les nouvelles constructions s’inscrivent dans des montages associatifs, rejoignant ainsi des pratiques anciennes du judaïsme ou de l’islam). En France, Évry fait ainsi dialoguer depuis 1994 une cathédrale, conçue comme un geste architectural au cœur de la ville nouvelle, une très haute pagode (la plus grande d’Europe) et une mosquée signalée par un minaret, dont la forme et le décor rappellent la part prise par le Maroc dans le financement. L’islam de France répond à l’insuffisance de lieux de culte de deux manières : l’utilisation de locaux aptes à accueillir la prière de la communauté (maisons ou hangars, parfois en périphérie des villes, situation qui concerne également les Églises protestantes les plus dynamiques) ou la construction nouvelle, souvent freinée par la difficulté de réunir les fonds nécessaires. Enfin, le coût de l’entretien des édifices sacrés qui n’ont plus d’usage cultuel (que l’on songe aux temples antiques, mais aussi aux églises désaffectées) peut être abordé. Comité d’organisation : Thierry Amalou, Youri Carbonnier, Delphine Hanquiez, Anne Jusseaume, Maire-Odile Laforge-Charles Et l’ensemble du bureau de la SFHU
Les propositions (titre et résumé) sont à envoyer avant le 25 décembre 2023 à youri.carbonnier@univ-artois.fr <mailto:youri.carbonnier@univ-artois.fr>