RHC_Appel : Epistémologie du massacre

Chères et chers collègues, Vous trouverez ci-dessous un appel à communication pour la Rubrique Epistémologie en débats de la Revue d’histoire culturelle, n°8. Bien amicalement, Laurence
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Épistémologie du massacre
Crimes de masse, génocides et histoire culturelle
Appel à contribution pour la rubrique Épistémologie en Débats de la Revue d’histoire culturelle, n°8.
Laurence Guignard, Gilles Malandain, Jean-François Bonhoure
Ce projet de rubrique porte sur les renouvellements en cours de l’historiographie des génocides et crimes de masse, au sujet desquels les analyses paraissent avoir été infléchies ces dernières décennies en direction de cultures de la violence. En plus de nous être contemporains, les événements des années 1990-2000, « épuration ethnique » en Bosnie-Herzégovine et génocide des Tutsis au Rwanda, ont la particularité d’avoir été pris en charge très systématiquement et rapidement par des juridictions internationales (d’abord le tribunal de La Haye en 1993, puis depuis le 1er janvier 2002 le Tribunal pénal international). Cet appel propose de questionner le retentissement de la masse immense de connaissances issues de l’instruction de ces procès sur les manières de faire l’histoire. L’enquête judiciaire revêt certes des zones de chevauchement avec la pratique de l’histoire. Elle s’appuie sur des méthodes probatoires classiques de mise au jour de faits matériels et de gestes signifiants : témoignages, éléments matériels qui, de plus en plus, s’appuient sur des techniques scientifiques – balistique, analyses chimiques, médecine légale etc. Elle répond en revanche aux demandes d’une institution dont la vocation est fondamentalement différente, son but étant d’évaluer les responsabilités individuelles à l’égard d’actes qualifiés comme des criminels, et d’en déterminer les peines. Pourtant, les échanges de savoir entre ces procédures et la production historique paraissent importants. On trouve ainsi des chercheurs et chercheuses aux côtés des équipes d’investigations judiciaires, mais aussi et c’est ce qui retiendra surtout l’attention des transferts de méthodes, d’approches et de concepts nés dans la sphère judiciaire et réappropriés par des travaux historiques. Ceux-ci parfois placés sous l’intitulé forensic turn (Elisabeth Anstett, Jean-Marc Dreyfus[1]) privilégient le regard à hauteur d’individus, l’attention à la preuve matérielle et le recours aux techniques issues de la police scientifique et de la médecine légale. Il ne s’agit donc pas ici d’aborder la question désormais tranchée de la qualification génocidaire[2], mais de s’intéresser aux effets retour du judiciaire sur les recherches actuelles en histoire des génocides, crimes de masse, violences génocidaires, que celles-ci relèvent de l’histoire contemporaine ou de périodes plus anciennes, sur leurs approches, leurs méthodes ou les concepts qu’elles convoquent, de faire le point en somme sur l’épistémologie actuelle de l’histoire du massacre de masse. Les textes pourront tout autant viser à la synthèse historiographique à l’échelle d’un pays ou d’une aire géographique que de s’en tenir à l’analyse d’une recherche particulière. Trois aspects pourront retenir l’attention (la liste n’est pas exhaustive) :
1) La participation des historiennes et historiens à des procès en génocide et complicité de génocide, non plus seulement lors de témoignages contextualisant les dépositions des témoins et inculpés, mais lors de l’instruction à l’occasion d’enquêtes parfois de longue haleine.
2) La réappropriation des approches et des méthodes judiciaires dans les pratiques historiennes, hors du cadre pénal, leur utilisation, les résultats de ces enquêtes, les problèmes qui se posent.
3) L’utilisation de ces approches et questionnements dans des contextes historiques plus anciens, éclairant les processus assimilables au crime de génocide : violences coloniales, guerres de religions, massacres de la Révolution française etc.
Calendrier : Les propositions d’une page accompagnée d’une courte présentation de l’auteur, sont à envoyer avant le 1e décembre 2023, à Laurence.guignard@u-pec.fr<mailto:Laurence.guignard@u-pec.fr> et gilles.malandain@uvsq.fr<mailto:gilles.malandain@uvsq.fr> La première version des textes devra nous parvenir avant la fin avril 2024
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[1] Anne Carol et Jean-Marc Dreyfus, « Médecine légale, morts de masse et forensic turn », Histoire, médecine et santé, 16 | 2021, 109-117.
[2] Ben Kiernan, Blood and Soil. A World History of genocide and Extermination from Sparta to Darfur, Yale University Press, 2007. Damien Scalia, Génocidaire(s). Au cœur de la justice internationale pénale, Dalloz, 2023.