CfP : Journée d’étude « Diplomaties & femmes aux XXe et XXIe siècles » le 14 mai 2024 à l’Université Rennes 2

Chers et chères collègues, Nous avons le grand plaisir de vous soumettre cet appel à communications pour la Journée d’étude « Diplomaties et femmes aux XXe et XXIe siècles » qui se déroulera le 14 mai 2024 à l’Université de Rennes 2. Au plaisir de vous accueillir à Rennes au printemps prochain, Bien cordialement, Dorothea Bohnekamp

Diplomaties& femmes aux XXe et XXIe siècles :
Nouvellesouvertures historiographiques
 
Journée d’étudeorganisée dans le cadre du parcours en Master Histoire « Relationsinternationales, mondialisations et interculturalités », Université deRennes 2, Unité de recherche Tempora
14 Mai 2024
Coordinateurs dela journée d’étude : Dorothea Bohnekamp et Luc Chantre
 
Aujourd’hui,l’importante présence féminine sur la scène internationale est d’autant plusimpressionnante[1]que l’on mesure à quel point leur accès aux métiers diplomatiques fut un cheminlong et semé d’embûches au cours du XXe siècle, tellement leur intégration dansles chancelleries était difficilement admise. Au début du XXe siècle, ladiplomatie était encore un monde d’hommes ; force est de rappelerl’absence historique des femmes – mises à part les souveraines – dans ladécision et l’exécution de politiques étrangères et leur rôle longtemps joué àl’ombre, quoique souvent influent. Souvent cantonnées au rôle d’épouses dediplomates, elles ont néanmoins su contribuer aux missions de ces derniers enmatière de travail de représentation et de pouvoir d’influence exercé àl’étranger, et ce à travers l’établissement d’un vaste réseau de sociabilitéstransnationales. Initialement recrutées, au début du siècle dernier, commeemployées dans les chancelleries, les femmes commençaient à entrerprogressivement dans les carrières diplomatiques dans la deuxième moitié du XXesiècle (en France à partir de 1945, année de leur admission à l’ENA), formantcomme un écho aux revendications féministes et aux bouleversementsinternationaux créés par les deux conflits mondiaux. En France, à la fin desannées 1920, les concours du Quai d’Orsay se mirent à s’ouvrir, encoretimidement, aux femmes, la Société des nations, et dans une moindre mesure larévolution bolchévique, ayant entretemps joué un rôle catalyseur, en propulsantles carrières féminines : en effet, c’est en 1922 que la première femmeambassadeur, Alexandra Kollontaï, nommée par le pouvoir bolchevique, prit sonposte à Oslo[2].
Or,le souffle déterminant vint de la démocratisation des carrières diplomatiques,consécutive la Seconde guerre mondiale, impulsée aussi par des institutionsinternationales, l’ONU et les institutions européennes en tête. Il n’en restepas moins que leur montée en puissance collective est récente : c’estseulement à partir des années 1970/1980 que leur intégration s’amorce à toutesles échelles des corps diplomatiques et consulaires et /ou des organisationsinternationales. En réponse à l’intérêt croissant porté aux questionsd’inégalité entre hommes et femmes, puis aux premières incitations législatives(la loi Sauvadet fut adoptée en 2012 en France) favorables à une représentationparitaire au sein des chancelleries, les femmes sont devenues, depuis lesannées 2000, de plus en plus visibles, pour ne pas dire réellement puissantessur la scène internationale. Toutefois, les appels à l’égalité, attribuantsouvent aux femmes des qualités particulières, censées imprimer de nouvellespratiques diplomatiques, risquent aussi d’« essentialiser » desenjeux de pouvoir, par nature dénués de questions de genre. Dans ce contexte,l’adoption de politiques étrangères féministes, portée d’abord par MargotWallström, Ministre suédoise des affaires étrangères en 2014, puis par laFrance en 2019, et enfin par Annalena Baerbock, Ministre allemande des Affairesétrangères en 2023, était censée fixer de nouvelles priorités axées surl’égalité et la défense des libertés et droits des femmes dans le jeu desrelations internationales. Cependant, face aux violences faites aux femmes dansles pays où leurs droits sont ouvertement bafoués (Iran, Afghanistan),l’absence de réaction internationale ouvertement féministe interroge sur lespérimètres d’action d’une telle politique au-delà de sa visée rhétorique.
Auvu de cette évolution de la féminisation des carrières, il peut paraîtreétonnant que le croisement entre l’histoire des relations internationales etcelle des femmes soit encore une tendance historiographique récente, appelée às’approfondir, telle une caisse de résonance face à l’entrée massive des femmesdans les métiers diplomatiques depuis 2002. Si ce nouveau courant s’intéresseprioritairement aux activités de ces dernières dans les chancelleries etorganisations internationales/non-gouvernementales, il participe en tout cas deplein pied à l’écriture de cette nouvelle histoire diplomatique que leshistoriens appellent de leurs voeux. L’objectif de cette journée d’étude serad’enrichir cette dernière en proposant des grilles de lectures, pistes derecherche et des approches historiques novatrices pour appréhender autrement,et à différentes échelles, la place et le rôle des femmes dans les relationsinternationales, que ce soit en Europe, aux Etats-Unis, au Proche et MoyenOrient Orient, en Amérique latine ou en Asie. Trois axes de travail serontprivilégiés :
Toutd’abord, dans une perspective sociale et culturelle, les thématiquesabordées pourraient être attentives aux sociabilités des femmes àl’international, qu’elles soient formelles ou informelles, et leur rôle jouédans un monde diplomatique encore exclusivement (ou presque !) masculin.Sous cet angle, la fonction des amitiés personnelles et professionnelles,tissées à l’étranger, souvent dans le cadre cette « culture dusalon », si chère au travail de rayonnement, pourrait être soulignée. Acet égard, il pourrait s’avérer judicieux de s’intéresser également auxdifférents espaces de la diplomatie, publics et privés, et aux modes decirculation entre les deux effectués par les femmes. D’ailleurs quand on songeau rôle fondamental des épouses de diplomates, l’on pourrait aussi s’interrogersur leur quotidien dans les représentations étrangères : quels effets lesexpatriations multiples avaient-elles sur elles et leurs familles ? Quelétait le partage des tâches diplomatiques entre époux et épouses (réceptions,distinctions, missions..) ? Ces thématiques pourraient alors dresser unportrait plus « intime » de l’histoire diplomatique et de sesinteractions avec la vie privée et familiale.
Prolongeantcette réflexion, on pourrait ensuite, fidèle à une approche transnationale,s’interroger sur le travail d’adaptation que ces femmes diplomates (ou dediplomates) devaient accomplir, à chaque nouvelle prise de poste à l’étranger,ne serait-ce qu’en termes de maîtrise des langues. Comment gérer l’éducationdes enfants à l’international ? Quelles étaient leurs pratiques del’interculturel, y compris leur perception de soi et celle de l’étranger, néessouvent de leurs réseaux créés par-delà les frontières ? Quelle était leurplace dans la diplomatie culturelle ? A travers des trajectoiresbiographiques, il serait intéressant de comprendre comment différentesgénérations de femmes ont analysé et mesuré leur pouvoir social et/ou leurpouvoir d’influence dans différents pays : était-ce plus facile dans telpays plutôt que dans un autre ? Et si oui, pour quelles raisons ?
Enfin,un dernier axe de travail, dédié à l’histoire du travail diplomatiqueproprement dit, pourrait s’ouvrir aux femmes dans leur grande diversité demétiers, que ce soit dans des fonctions administratives, ou encore celles liéesà la traduction et à l’interprétariat. Loin de se réduire uniquement à unehistoire des « élites », il serait alors fructueux de souligner lagrande variété des activités des femmes, le sens qu’elles attribuaient à leursmissions et les limites fixées à leurs actions : quelles étaient leursmarges de manœuvre (engagement associatif/militant), leurs réseaux, leursinfluences, souvent en marge du pouvoir ? Comment s’effectuaient leurformation, leur sélection et leur avancement ? Dans ce cadre, avaient-elles àaffronter des stéréotypes liés à leur féminité ? A quels instruments demédiation avaient-elles recours (nouvelles pratiques diplomatiques,sociabilités informelles, négociations interculturelles…) afin de jouer leur rôledans le jeu des relations internationales ? Dans quelle mesure ont-ellespu faire avancer la cause des droits des femmes dans les organisationsinternationales? L’enjeu serait alors de produire une histoire moins visible,plus discrète, aussi par « le bas », des formes plurielles querecouvre le terme de « diplomaties féminines ».
LaJournée d’étude se déroulera le 14 mai 2024 à l’université de Rennes 2. Lesinterventions dureront environ 20 minutes. Vous êtes invités à soumettre vospropositions (un projet d’environ 3000 signes  et notice biographique) jusqu’au 31décembre 2023 aux coordinateurs de la journée : Dorothea Bohnekamp,Professeur en histoire contemporaine à l’université Rennes 2, DBohnekamp@aol.com ou Luc Chantre, Maître de conférences enhistoire contemporaine à l’université Rennes 2,  luc.chantre@hotmail.fr.
[1] Rienque dans la diplomatie française, dirigée aujourd’hui par Mme CatherineCollona, l’on compte à l’heure actuelle pas moins de 30% d’ambassadrices et de45% de femmes dans le haut encadrement en administration centrale.
[2] EnFrance, c’est Suzanne Borel, la première femme entrée au Quai d’Orsay en 1930.