Journée d’études « les lieux de privations de liberté, des lieux politiques »

Je me permets de vous adresser en complément le programme de la journée organisée par la Société française d’histoire politique avec le soutien du laboratoire LiR3S (UMR 7366 CNRS-uB de Dijon) et de la MSH Dijon
Programme
9h30 > Accueil des participants. Jean Vigreux, LIR3S (Université de Bourgogne) 9h45-10h15 > Mot d’accueil et introduction. Comité d’organisation 1ère Session – Écarter des opposants politiques en contexte de guerre
*Présidence *> Noëlline Castagnez, POLEN (université d’Orléans)
10h15-10h35 > Yann Sambuis, LARHRA (Université Lyon 2) : « De l’assignation à la déportation : réflexions sur les conditions de détention d’Édouard Herriot sous Vichy »
10h35-10h55 > Delphine Richard, LARHRA (Université de Lyon 2) : « La vie politique des prisonniers de guerre français en captivité en Allemagne, 1940-1945 »
*10h55-11h15 > **discussion*
*11h15-11h30 > **pause*
11h30-11h55 > Léo Rosell,LIR3S (Université de Bourgogne) et Florent Gouven, Centre Norbert Elias (Université d’Avignon) : « Les députés du PCF privés de leur liberté (1939-1943) : la prison comme lieu politique »
*11h55-12h05 > **discussion*
*12h05-13h30 > **déjeuner* 2eme Session – Réprimer et enfermer en contexte de paix
*Présidence *> Christine Manigand, ICEE (Sorbonne Nouvelle)
13h30-13h50 > Cyril Robelin (Université de Liège) : « Le « zoo humain », instrument de la légitimation de la domination politique et du génocide : l’exemple de l’exposition “les Derniers Charrùas“ en 1831-1832 »
13h50-14h15 > Éloise Dreure, LIR3S (Université de Bourgogne) et Corentin Lahu, LIR3S (Université de Bourgogne) : « “Allons tout va bien. Le ciel est clair, la vie est belle”. L’expérience carcérale des militants communistes détenus à la prison de Barberousse à Alger, dans les années 1920 »
14h15-14h35 > Maxime Launay, IRSEM : « La fin des bagnes et des prisons militaires en France »
*14h35-14h55 > **discussion*
*14h55-15h10 > **pause* 3eme Session – Marginaliser les vaincus
*Présidence *> Manuelle Peloille, 3L.AM (université d’Angers)
15h10-15h30 > Antoine Limare, SIRICE (Sorbonne Université) : « “Dialogues de vaincus”. Les épurés face à leur situation politique à la Libération »
15h30-15h50 > Virginie Sudre, IHRIM (Université Lyon 3) : « Continuer à se battre malgré l’enfermement : l’action de Nicolas Sartorius comme exemple de l’opposition démocratique au régime franquiste (1962-1975). »
15h50-16h10 > Jules Rodrigues, 3L.AM (Université d’Angers) : « Objection de conscience et opposition au service militaire dans l’Espagne des années 1990. La prison comme lieu de résistance politique. »
*16h10-16h30 > **discussion*
*16h30 >* conclusion par Gilles Richard, Arènes (Université Rennes 2)
Le lun. 25 sept. 2023 à 09:24, Prof Limare <proflimare@gmail.com> a écrit :
> La société française d’histoire politique organise le vendredi 20 octobre > 2023 à l’université de Dijon la rencontre des jeunes chercheurs. Cette > année, le thème porte sur les lieux de privation de liberté, des lieux > politique. > > L’étude des lieux du politique encouragée par la Société française > d’histoire politique invite à interroger un certain type d’espaces > éminemment politiques : les lieux de privation de liberté. Qu’il s’agisse > de prisons, de résidences surveillées, de camps d’internement ou encore de > bagnes, ces lieux constituent à la fois des outils de répression politique, > des lieux de construction politique mais aussi des lieux de vie politiques, > sur lesquels les participants à cette journée d’étude sont invités à > s’interroger. > > 1. L’emprisonnement des opposants, une stratégie politique > > Instrument aux mains de l’État, les lieux de privation de liberté se > traduisent par des dispositions normatives et des pratiques concrètes de > surveillance, de contrôle et d’encadrement, à des fins répressives des > opposants politiques. Si la Bastille sous l’Ancien Régime symbolise à elle > seule dans l’imaginaire l’arbitraire du pouvoir, il faut s’attarder à la > fois sur la diversité des acteurs répressifs (justice, police, armée) et > sur la pluralité des motifs qui conduisent les pouvoirs publics à créer des > prisonniers politiques. Imposé pour des raisons politiques, à l’issue d’une > procédure potentiellement entachée d’irrégularités, fondé sur des > conditions de détention discriminatoires et des atteintes aux libertés > publiques, l’emprisonnement correspond à une stratégie politique sans > qu’elle ne soit toujours assumée par ses instigateurs. Il permet de mesurer > le seuil de tolérance fixé par les autorités à l’égard de ses opposants, > d’identifier comment la perception de la menace varie dans le temps et > conduit à des réponses variées, qui ne sont ni fixes ni constantes selon > les régimes et les périodes étudiés. En contexte de guerre, le droit recule > au profit de procédures d’exception et d’internements de civils jugés > politiquement indésirables ou de nationalité ennemie (Farcy, 2014). Au nom > des impératifs de la défense nationale, la justice militaire étend ainsi > son rôle disciplinaire et exerce une autorité parfois brutale, à l’exemple > de l’arbitraire et de la violence ordinaire qui s’exercent pendant les > guerres de décolonisation (Thénault, 2001). > > En réaction, les prisonniers et leurs soutiens construisent eux aussi une > stratégie politique à l’occasion de leur enfermement. C’est le cas, par > exemple, pour le Parti communiste français qui publicise le sort des > députés communistes en 1939-1943 et qui trouve dans l’arrestation de > certains de ses militants ou dirigeants dans les années 1950 (affaire > Duclos, A. Le Léap…) une ressource pour médiatiser des « arrestations > politiques », dénoncer la répression dont ils sont victimes et atteindre > ainsi le régime honni en dramatisant les enjeux. Partis et groupes > parlementaires, journalistes et avocats, comités et intellectuels, sont > autant d’acteurs qui, en dehors et en dedans, politisent au-delà des cas > particuliers et font des lieux de privation de liberté des lieux > politiques. > > Ces politiques d’enfermement des opposants politiques sont aujourd’hui un > enjeu mémoriel (Ricordeau et Bugnon, 2018) Elles donnent lieu à une > concurrence entre groupes mémoriels, à des enjeux de reconnaissance, de > patrimonialisation et de mise en tourisme de lieux de privation de liberté. > Ce phénomène est à la fois extrêmement vaste et varié, et jamais linéaire > et neutre, que l’on pense, pour ne citer que quelques exemples, à Dachau et > Auschwitz, à la prison de Montluc à Lyon, au bagne de Poulo Condor au > Vietnam, ou encore à Robben Island, la prison de Cape Town recensée au > patrimoine mondial de l’Unesco pour son témoignage de l’oppression et du > racisme longtemps en vigueur en Afrique du Sud. > > 2. Les lieux de privation de liberté, lieux de construction politique > > Du point de vue de l’individu privé de sa liberté, l’espace de la > réclusion peut également constituer un lieu de construction politique. En > plus de constituer une étape de la vie militante, l’enfermement semble > constituer un moment privilégié pour la lecture d’ouvrages politiques, pour > l’élaboration d’une pensée politique, voire pour la rédaction de textes > doctrinaux. La tenue de correspondances, de “cahiers” ou de “carnets de > prison” apparaît même comme une pratique courante, voire convenue, de la > détention politique. S’y mêlent fréquemment des réflexions politiques > alimentées par des récits et anecdotes inspirés par le quotidien de la > détention. Les exemples de Louise Michel, Lénine, Gramsci ou encore Hitler > sont ainsi révélateurs du poids de l’expérience carcérale dans > l’élaboration d’une doctrine politique. De tels écrits peuvent d’ailleurs > par la suite être utilisés par l’ancien détenu lui-même, dans le cadre de > stratégies individuelles de légitimation politique. > > Le processus de la politisation de détenus jusque-là peu formés > politiquement pourra également faire l’objet d’études de cas à hauteur > d’homme et de femme. De la simple prise de conscience politique à des > formes plus avancées de radicalisation, la découverte de la vie carcérale > peut ainsi participer à la construction politique d’individus, mis en marge > de la société par leur incarcération. > > 3. Les lieux de privation de liberté comme lieux de vie politiques > > Les lieux de privation de liberté sont enfin des « laboratoires » où se > construisent les pensées et les pratiques politiques collectives. Ce sont > des espaces de rencontre de masse où la réflexion (réunions informelles, > circulations de tracts…) et d’éducation sont des éléments de sociabilité > majeure, comme en témoigne l’internement collectif des opposants au régime > de Vichy (Giraudier). On retrouve, par exemple, des cours organisés en > prison par les députés communistes entre 1939 et 1943. > > La construction en miroir d’une altérité à travers le prisme > geôliers/détenus est également un vecteur important de la construction > d’identité politique, en contexte colonial notamment (Australie, Algérie…) > ou vis-à-vis des minorités politiques. C’est également un lieu de > fraternisation où les détenus vivent des expériences collectives qui sont > par la suite remobilisées dans les carrières politiques. > > Enfin, ces espaces sont aussi des lieux de communications avec > l’extérieur. Les lieux d’enfermement sont parfois perméables (Herriot sort > par exemple de sa résidence surveillée avec la complaisance des gendarmes > locaux supposés le surveiller pour aller rencontrer des amis, dont > d’anciens collaborateurs politiques engagés dans la résistance) et permet > aussi un dialogue complexe. > Informations et contact : proflimare@gmail.com > >