Colloque Révolutions et reconversion sociale en Europe au XIXe siècle
Chères Collègues, chers Collègues,
Nous nous permettons de vous renvoyer l’appel à communication pour le colloque international » Révolutions et reconversion sociale en Europe au XIXe siècle « , qui se tiendra à Clermont-Ferrand au mois de juin 2024. Cet appel court jusqu’au 15 octobre 2023 . Comme il est dit ci-dessous, le colloque dont il s’agit constituera le second volet d’une entreprise plus vaste, inaugurée, dès le mois prochain, par un colloque interrogeant le même problème – les liens entre la révolution et la reconversion sociale – mais à l’époque révolutionnaire.
Bien cordialement.
J. Le Bihan (pour le comité d’organisation)
_________________________
RÉVOLUTIONS ET RECONVERSION SOCIALE en Europe au XIXe siècle
19-20 juin 2024 à Clermont-Ferrand
organisé par le Centre d’Histoire « Espaces & Cultures » (Université Clermont-Auvergne) et la Société d’histoire de la Révolution de 1848 et des révolutions du XIXe siècle.
Comité d’organisation : Sylvie Aprile, Pierre-Marie Delpu, Louis Hincker, Jean le Bihan.
Cette manifestation scientifique prend la suite du colloque international Les reconversions sociales dans l’Europe de la Révolution française et dans ses colonies , qui se tiendra à Clermont-Ferrand, 19-20 octobre 2023 organisé par le Centre d’Histoire « Espaces & Cultures » et la Société des études robespierristes.
Les révolutions politiques du XIXe siècle ont-elles changé les conditions de la mobilité sociale ? On peut sans doute le supposer comme le constater au regard des réformes juridiques qu’elles ont pu engendrer, mais la relation de cause à effet n’a pas l’évidence tangible quelle peut avoir pour la décennie 1789-1799 et ses conséquences sur la longue durée. Il faut en effet reconnaître qu’il y a un problème d’échelle de temporalités, car les processus longs qui relèvent de la “double révolution”(Hobsbawm) – économique et politique, commencée dans la seconde moitié du XVIIIe siècle – dessinent un trend séculaire. A ce niveau les bouleversements structurels et collectifs se signalent. Y a-t-il une part supplémentaire et spécifique qui découlerait des révolutions du XIXe siècle.
Pour la relation révolution/reconversion sociale, on pourrait parler pour le XIXe siècle d’aléas révolutionnaires, qui convoquent comme échelle d’observation pour l’historien soit le cas individuel, soit la cohorte d’individus coordonnés ou semblables : engagement, renversement, profits/pertes, sans oublier répression dont certains sont bénéficiaires. Pourra-t-on définir des changements notoires en termes de fonction, statut, rang, emploi, et sur quelle durée ?
Parce que le XIXe siècle concerne des configurations plus incertaines, fluides, et éphémères, il semble important de tenir ensemble une analyse des ruptures politiques et des adaptations sociales qu’elles génèrent pour retrouver une des principales préoccupations des contemporains des événements dont il sera question lors de notre rencontre.
Réformes et reconversions
Notre rencontre propose de réfléchir dans un premier temps aux réformes qui ont été engagées au cours des séquences révolutionnaires et qui, par leurs effets à plus moins long terme ont significativement transformé les conditions dans lesquelles hommes et femmes ont pu, dès lors, changer de position dans la hiérarchie des conditions. Ces réformes sont, surtout, d’essence juridico-politique et les plus spectaculaires d’entre elles intéressent indéniablement les espaces situés à la marge de l’Europe libérale : que l’on songe à l’abolition de l’esclavage au sein de l’empire français en 1848, ou bien, dans le sillage du Printemps des peuples également, à la liquidation du régime seigneurial en divers États du centre de l’Europe tels que la Prusse ou la Hongrie. En dépit d’une historiographie dynamique et en voie de décloisonnement, il reste beaucoup à faire pour apprécier avec précision l’incidence concrète de ces réformes de structure sur la reconversion sociale.
La réflexion doit être aussi appliquée, bien sûr, aux autres parties du continent européen, ainsi le sud mais aussi l’ouest où elle a été somme toute peu mobilisée jusqu’à présent. Comment, dans ces contrées où les révolutions ont joué un rôle considérable et désormais bien connu dans le domaine politique, les conditions de la reconversion sociale ont-elles été transformées par les vagues de 1830 et de 1848, mais aussi, éventuellement, par des épisodes spécifiquement nationaux tels que, par exemple, la révolution portugaise de 1820, la guerre d’indépendance italienne de 1859 ou bien encore la révolution espagnole de 1868 ? On sait que les grandes réformes juridico-politiques qui jalonnent le XIXe siècle sont allées globalement dans le sens de l’« égalité des conditions », pour parler comme Tocqueville, et l’on peut donc à bon droit considérer qu’elles ont, d’une certaine manière, poursuivi l’œuvre de la Révolution française. Il s’agit désormais de comprendre ce que ces réformes doivent, spécifiquement et précisément, aux révolutions du XIXe siècle, étant entendu que le rôle de ces dernières, s’il est souvent immédiat, peut également s’exercer de manière différée. Les communications qui s’inscriront dans cet axe de réflexion seront spécialement attentives à la diversité des contextes nationaux et à la multiplicité des temporalités révolutionnaires.
A l’échelle des groupes sociaux
La Révolution Française puis l’Empire ont largement reconfiguré les sociétés européennes faisant émerger de nouvelles élites, redistribuant les cartes de la propriété foncière, refondant les statuts du travail en supprimant les corporations. Les révolutions du XIXe siècle semblent modifier dans une moindre mesure ou du moins, moins brutalement les sociétés à l’exception de la fin du servage dans les États allemands (1808) et en Russie (1861) et de l’abolition de l’esclavage. Les débats sur les mutations sociales sont aussi, semble-t-il, moins tranchés et ont moins alimenté les controverses historiographiques. C’est à hauteur des groupes sociaux plus que de catégories ou classes sociales qui s’affrontent (noblesse/bourgeoisie, bourgeoisie/peuple) qu’il convient de penser la multiplicité des recompositions. C’est donc le niveau « méso » qui sera ici privilégié. Les nouveaux parlementaires, ministres, fonctionnaires, consuls et diplomates de 1848 tout comme les opposants qui deviennent, en quelques jours, journalistes ou hommes de plume sont certainement parmi les nouveaux professionnels les plus représentatifs de ce que la Révolution provoque comme opportunités et comme mutations. Les nouveaux cadres spatio-temporels, les nouvelles frontières modèlent bien entendu ces mutations de façon différenciée à l’échelle de l’Europe. Il existe aussi des retournements, des déclassements, des retraits qui réorientent l’existence au lendemain de la révolution qu’il s’agisse de sa victoire ou de sa défaite. Si certains acteurs et protagonistes profitent de la nouveauté politique, ils subissent aussi pour la plus grande part d’entre eux la répression qui entraîne la mise à distance de leurs idées mais aussi de leurs catégories sociales.
La défaite partagée de la Révolution induit de porter une attention particulière aux circulations politiques des exilés. Pour certains, il s’agit à l’étranger de retrouver des communautés économiques ou patriotiques déjà installées dans lesquelles ils s’insèrent (diasporas, circulations professionnelles, marchandes etc.) ; d’autres flux d’exilés politiques impulsés par les révolutions construisent de plus larges stratégies et accidents migratoires. Les conjonctures post-révolutionnaires (années 1820, 1831, 1848, 1871) constitueront des observatoires privilégiés de ces recompositions. Les lieux d’internement, la maîtrise ou non de la langue du pays d’accueil, la reconversion de militaires en civil ou la continuation du métier des armes (dans la légion étrangère) bouleversent les positionnements anciens. De nouveaux métiers se développent aussi comme photographes, le dépôt de brevets assure aussi des revenus dans de nouveaux domaines de l’industrie. La gestion à distance des biens et des terres induit aussi souvent des recompositions familiales où les femmes, lorsqu’elles ne sont pas parties, jouent un rôle majeur surtout lorsque les biens sont mis sous séquestre. La séparation ou le maintien de la famille implique ainsi de placer la question du genre au cœur des formes sociales de reconfiguration des révolutions.
A l’échelle des trajets individuels
On se souvient que dans la saga des Rougon-Macquart, la fortune des uns et l’infortune des autres doivent beaucoup aux aléas révolutionnaires ; les gains et les pertes de chacun prennent sources en 1789, quand la figure matricielle et maternelle de la double lignée, Adélaïde Fouque, dite tante Dide, prend un amant une année après le décès de son mari ; ils rebondissent ensuite singulièrement à l’occasion des changements de régimes politiques jusqu’en 1871. Zola auscultait d’emblée le conflit entre l’ascension et le déclassement au fil d’un XIXe siècle traversé de soubresauts politiques, quand des voies s’ouvraient à certains aux dépens des autres.
En se penchant sur des trajets individuels, on relira probablement à nouveau frais la dynamique du « protagonisme » définie par Haïm Burstin, celle du volontarisme individuel, de la participation politique personnelle, de l’émergence d’un moi révolutionnaire. Car la dramatisation des actes du quotidien ne concerne pas qu’un seul côté de la barricade en période de conflit politique aigu. Les répresseurs peuvent être de grands bénéficiaires des renversements de situation.
Si les reconversions sociales se mesurent autant aux changements de statut, fonction, notoriété, que de profession, ce sera à chacun selon ses capacités durant un XIXe siècle propice à la valorisation de soi. Peut-être faut-il regarder le phénomène en termes de cumul de fonctions sociales – ou de talents – préalables, qui verraient leur hiérarchie se modifier en fonction des priorités que les acteurs se donnent selon les contextes révolutionnaires et les possibles qu’ils ouvrent.
Mais l’ascension ou le déclassement se mesurent peut-être aussi au-delà des trajets personnels, sur deux générations successives, voire au-delà. Pour s’en tenir à l’exploration littéraire des possibles, la reconversion par délégation : c’est l’analyse du Guépard , roman certes conçu un siècle après les faits qui l’ont inspiré. On se souviendra en effet que le prince Salina, prudent en matière de bouleversement, mandate son impétueux neveu Tancrède pour reconvertir la lignée aristocratique au service des temps nouveaux de la nouvelle Italie des années 1860.
En tâchant d’éviter l’addition d’exemples pour eux seuls, notre rencontre n’en accueillera pas moins des commentaires sur des cas singuliers et problématisés pour enrichir la compréhension de la dynamique paradoxale entre reconversion et révolution.
Les propositions de communication sont à envoyer : [ mailto:louis.hincker@uca.fr | louis.hincker@uca.fr ] , avant le 15 octobre 2023 (sur une page, avec une courte présentation bio-bibliographique des auteurs). Les auteurs sont invités à s’inscrire dans un des trois axes de la présentation ci-dessus. Il sera possible de communiquer en anglais si les auteurs le préfèrent.
Comité scientifique : Arianna Arisi Rota (Université de Pavie), Fabrice Bensimon (Université Paris Sorbonne), Carole Christen (Université du Havre), Jürgen Finger (Institut Historique Allemand), Joanna Innes (Université d’Oxford), François Jarrige (Université de Bourgogne), Pedro Rújula (Université de Saragosse.
— Maître de conférences en histoire contemporaine Université Rennes 2 [ https://www.univ-rennes2.fr/structure/departement-histoire | Département Histoire ] / [ https://sites-recherche.univ-rennes2.fr/tempora/ | EA Tempora ] Bureau A 309 Place du recteur Henri-Le-Moal CS 24307 35 043 Rennes cedex [ https://perso.univ-rennes2.fr/jean.lebihan | Page professionnelle ]
Nous nous permettons de vous renvoyer l’appel à communication pour le colloque international » Révolutions et reconversion sociale en Europe au XIXe siècle « , qui se tiendra à Clermont-Ferrand au mois de juin 2024. Cet appel court jusqu’au 15 octobre 2023 . Comme il est dit ci-dessous, le colloque dont il s’agit constituera le second volet d’une entreprise plus vaste, inaugurée, dès le mois prochain, par un colloque interrogeant le même problème – les liens entre la révolution et la reconversion sociale – mais à l’époque révolutionnaire.
Bien cordialement.
J. Le Bihan (pour le comité d’organisation)
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RÉVOLUTIONS ET RECONVERSION SOCIALE en Europe au XIXe siècle
19-20 juin 2024 à Clermont-Ferrand
organisé par le Centre d’Histoire « Espaces & Cultures » (Université Clermont-Auvergne) et la Société d’histoire de la Révolution de 1848 et des révolutions du XIXe siècle.
Comité d’organisation : Sylvie Aprile, Pierre-Marie Delpu, Louis Hincker, Jean le Bihan.
Cette manifestation scientifique prend la suite du colloque international Les reconversions sociales dans l’Europe de la Révolution française et dans ses colonies , qui se tiendra à Clermont-Ferrand, 19-20 octobre 2023 organisé par le Centre d’Histoire « Espaces & Cultures » et la Société des études robespierristes.
Les révolutions politiques du XIXe siècle ont-elles changé les conditions de la mobilité sociale ? On peut sans doute le supposer comme le constater au regard des réformes juridiques qu’elles ont pu engendrer, mais la relation de cause à effet n’a pas l’évidence tangible quelle peut avoir pour la décennie 1789-1799 et ses conséquences sur la longue durée. Il faut en effet reconnaître qu’il y a un problème d’échelle de temporalités, car les processus longs qui relèvent de la “double révolution”(Hobsbawm) – économique et politique, commencée dans la seconde moitié du XVIIIe siècle – dessinent un trend séculaire. A ce niveau les bouleversements structurels et collectifs se signalent. Y a-t-il une part supplémentaire et spécifique qui découlerait des révolutions du XIXe siècle.
Pour la relation révolution/reconversion sociale, on pourrait parler pour le XIXe siècle d’aléas révolutionnaires, qui convoquent comme échelle d’observation pour l’historien soit le cas individuel, soit la cohorte d’individus coordonnés ou semblables : engagement, renversement, profits/pertes, sans oublier répression dont certains sont bénéficiaires. Pourra-t-on définir des changements notoires en termes de fonction, statut, rang, emploi, et sur quelle durée ?
Parce que le XIXe siècle concerne des configurations plus incertaines, fluides, et éphémères, il semble important de tenir ensemble une analyse des ruptures politiques et des adaptations sociales qu’elles génèrent pour retrouver une des principales préoccupations des contemporains des événements dont il sera question lors de notre rencontre.
Réformes et reconversions
Notre rencontre propose de réfléchir dans un premier temps aux réformes qui ont été engagées au cours des séquences révolutionnaires et qui, par leurs effets à plus moins long terme ont significativement transformé les conditions dans lesquelles hommes et femmes ont pu, dès lors, changer de position dans la hiérarchie des conditions. Ces réformes sont, surtout, d’essence juridico-politique et les plus spectaculaires d’entre elles intéressent indéniablement les espaces situés à la marge de l’Europe libérale : que l’on songe à l’abolition de l’esclavage au sein de l’empire français en 1848, ou bien, dans le sillage du Printemps des peuples également, à la liquidation du régime seigneurial en divers États du centre de l’Europe tels que la Prusse ou la Hongrie. En dépit d’une historiographie dynamique et en voie de décloisonnement, il reste beaucoup à faire pour apprécier avec précision l’incidence concrète de ces réformes de structure sur la reconversion sociale.
La réflexion doit être aussi appliquée, bien sûr, aux autres parties du continent européen, ainsi le sud mais aussi l’ouest où elle a été somme toute peu mobilisée jusqu’à présent. Comment, dans ces contrées où les révolutions ont joué un rôle considérable et désormais bien connu dans le domaine politique, les conditions de la reconversion sociale ont-elles été transformées par les vagues de 1830 et de 1848, mais aussi, éventuellement, par des épisodes spécifiquement nationaux tels que, par exemple, la révolution portugaise de 1820, la guerre d’indépendance italienne de 1859 ou bien encore la révolution espagnole de 1868 ? On sait que les grandes réformes juridico-politiques qui jalonnent le XIXe siècle sont allées globalement dans le sens de l’« égalité des conditions », pour parler comme Tocqueville, et l’on peut donc à bon droit considérer qu’elles ont, d’une certaine manière, poursuivi l’œuvre de la Révolution française. Il s’agit désormais de comprendre ce que ces réformes doivent, spécifiquement et précisément, aux révolutions du XIXe siècle, étant entendu que le rôle de ces dernières, s’il est souvent immédiat, peut également s’exercer de manière différée. Les communications qui s’inscriront dans cet axe de réflexion seront spécialement attentives à la diversité des contextes nationaux et à la multiplicité des temporalités révolutionnaires.
A l’échelle des groupes sociaux
La Révolution Française puis l’Empire ont largement reconfiguré les sociétés européennes faisant émerger de nouvelles élites, redistribuant les cartes de la propriété foncière, refondant les statuts du travail en supprimant les corporations. Les révolutions du XIXe siècle semblent modifier dans une moindre mesure ou du moins, moins brutalement les sociétés à l’exception de la fin du servage dans les États allemands (1808) et en Russie (1861) et de l’abolition de l’esclavage. Les débats sur les mutations sociales sont aussi, semble-t-il, moins tranchés et ont moins alimenté les controverses historiographiques. C’est à hauteur des groupes sociaux plus que de catégories ou classes sociales qui s’affrontent (noblesse/bourgeoisie, bourgeoisie/peuple) qu’il convient de penser la multiplicité des recompositions. C’est donc le niveau « méso » qui sera ici privilégié. Les nouveaux parlementaires, ministres, fonctionnaires, consuls et diplomates de 1848 tout comme les opposants qui deviennent, en quelques jours, journalistes ou hommes de plume sont certainement parmi les nouveaux professionnels les plus représentatifs de ce que la Révolution provoque comme opportunités et comme mutations. Les nouveaux cadres spatio-temporels, les nouvelles frontières modèlent bien entendu ces mutations de façon différenciée à l’échelle de l’Europe. Il existe aussi des retournements, des déclassements, des retraits qui réorientent l’existence au lendemain de la révolution qu’il s’agisse de sa victoire ou de sa défaite. Si certains acteurs et protagonistes profitent de la nouveauté politique, ils subissent aussi pour la plus grande part d’entre eux la répression qui entraîne la mise à distance de leurs idées mais aussi de leurs catégories sociales.
La défaite partagée de la Révolution induit de porter une attention particulière aux circulations politiques des exilés. Pour certains, il s’agit à l’étranger de retrouver des communautés économiques ou patriotiques déjà installées dans lesquelles ils s’insèrent (diasporas, circulations professionnelles, marchandes etc.) ; d’autres flux d’exilés politiques impulsés par les révolutions construisent de plus larges stratégies et accidents migratoires. Les conjonctures post-révolutionnaires (années 1820, 1831, 1848, 1871) constitueront des observatoires privilégiés de ces recompositions. Les lieux d’internement, la maîtrise ou non de la langue du pays d’accueil, la reconversion de militaires en civil ou la continuation du métier des armes (dans la légion étrangère) bouleversent les positionnements anciens. De nouveaux métiers se développent aussi comme photographes, le dépôt de brevets assure aussi des revenus dans de nouveaux domaines de l’industrie. La gestion à distance des biens et des terres induit aussi souvent des recompositions familiales où les femmes, lorsqu’elles ne sont pas parties, jouent un rôle majeur surtout lorsque les biens sont mis sous séquestre. La séparation ou le maintien de la famille implique ainsi de placer la question du genre au cœur des formes sociales de reconfiguration des révolutions.
A l’échelle des trajets individuels
On se souvient que dans la saga des Rougon-Macquart, la fortune des uns et l’infortune des autres doivent beaucoup aux aléas révolutionnaires ; les gains et les pertes de chacun prennent sources en 1789, quand la figure matricielle et maternelle de la double lignée, Adélaïde Fouque, dite tante Dide, prend un amant une année après le décès de son mari ; ils rebondissent ensuite singulièrement à l’occasion des changements de régimes politiques jusqu’en 1871. Zola auscultait d’emblée le conflit entre l’ascension et le déclassement au fil d’un XIXe siècle traversé de soubresauts politiques, quand des voies s’ouvraient à certains aux dépens des autres.
En se penchant sur des trajets individuels, on relira probablement à nouveau frais la dynamique du « protagonisme » définie par Haïm Burstin, celle du volontarisme individuel, de la participation politique personnelle, de l’émergence d’un moi révolutionnaire. Car la dramatisation des actes du quotidien ne concerne pas qu’un seul côté de la barricade en période de conflit politique aigu. Les répresseurs peuvent être de grands bénéficiaires des renversements de situation.
Si les reconversions sociales se mesurent autant aux changements de statut, fonction, notoriété, que de profession, ce sera à chacun selon ses capacités durant un XIXe siècle propice à la valorisation de soi. Peut-être faut-il regarder le phénomène en termes de cumul de fonctions sociales – ou de talents – préalables, qui verraient leur hiérarchie se modifier en fonction des priorités que les acteurs se donnent selon les contextes révolutionnaires et les possibles qu’ils ouvrent.
Mais l’ascension ou le déclassement se mesurent peut-être aussi au-delà des trajets personnels, sur deux générations successives, voire au-delà. Pour s’en tenir à l’exploration littéraire des possibles, la reconversion par délégation : c’est l’analyse du Guépard , roman certes conçu un siècle après les faits qui l’ont inspiré. On se souviendra en effet que le prince Salina, prudent en matière de bouleversement, mandate son impétueux neveu Tancrède pour reconvertir la lignée aristocratique au service des temps nouveaux de la nouvelle Italie des années 1860.
En tâchant d’éviter l’addition d’exemples pour eux seuls, notre rencontre n’en accueillera pas moins des commentaires sur des cas singuliers et problématisés pour enrichir la compréhension de la dynamique paradoxale entre reconversion et révolution.
Les propositions de communication sont à envoyer : [ mailto:louis.hincker@uca.fr | louis.hincker@uca.fr ] , avant le 15 octobre 2023 (sur une page, avec une courte présentation bio-bibliographique des auteurs). Les auteurs sont invités à s’inscrire dans un des trois axes de la présentation ci-dessus. Il sera possible de communiquer en anglais si les auteurs le préfèrent.
Comité scientifique : Arianna Arisi Rota (Université de Pavie), Fabrice Bensimon (Université Paris Sorbonne), Carole Christen (Université du Havre), Jürgen Finger (Institut Historique Allemand), Joanna Innes (Université d’Oxford), François Jarrige (Université de Bourgogne), Pedro Rújula (Université de Saragosse.
— Maître de conférences en histoire contemporaine Université Rennes 2 [ https://www.univ-rennes2.fr/structure/departement-histoire | Département Histoire ] / [ https://sites-recherche.univ-rennes2.fr/tempora/ | EA Tempora ] Bureau A 309 Place du recteur Henri-Le-Moal CS 24307 35 043 Rennes cedex [ https://perso.univ-rennes2.fr/jean.lebihan | Page professionnelle ]