AAC pour le cycle de JE « Restituer les familles » (REPPaMa)

Chères et chers collègues,
Nous avons le plaisir de vous communiquer l’appel à communications du prochain cycle de demi-journées d’étude du REPPaMa : * »Restituer les familles : Collecter, analyser, matérialiser »*. Celui-ci se tiendra à Paris de janvier à juin 2024.
Deux ans après la journée *Secrets de famille*, le REPPaMa souhaite prolonger les débats méthodologiques en invitant à une réflexion collective sur la restitution de la famille par les chercheurs et chercheuses en sciences sociales. De la collecte des matériaux à leur intégration aux productions scientifiques, comment donner à voir la famille ? Quelles méthodes peuvent être mobilisées ? Comment rendre intelligibles les matériaux collectés pour les diffuser et les transmettre ? Dans quelle mesure les procédés utilisés renouvellent-ils les rapports entre enquêté·es et enquêteur·ices ? Sont bienvenues toutes propositions en sciences humaines et sociales portant sur une enquête relative à la famille. La question de la collecte des matériaux devra être associée à une réflexion sur les modalités de restitution de ceux-ci et des analyses produites.
Vous trouverez ci-après l’appel complet. Les propositions de communications sont à envoyer le *29 septembre 2023* au plus tard, à l’adresse : reppama.contact@gmail.com.
Au plaisir de vous lire,
Bien cordialement,
*L’équipe du Réseau d’Études Pluridisciplinaires sur les Paternités et les Maternités – REPPaMa */ Cité du genre Equipe junior : Parentalités plurielles et genre
Inès Anrich (docteure en histoire, Sorbonne Université)
Myriam Chatot (docteure en sociologie, Université de Lyon3)
Margot Lenouvel (doctorante en sociologie, Sorbonne Université – Ined)
Mike Marchal (doctorant en sociologie, EHESS – IRIS)
Alix Sponton (doctorante en sociologie, Sciences Po – Ined)
Marine Quennehen (post doctorante en sociologie, FNRS UCL)
Carnet de recherche : reppama.hypotheses.org Liste de diffusion : lists.riseup.net/www/subscribe/reppama <lists.riseup.net/www/subscribe/reppama>
*Restituer les familles : collecter, analyser, matérialiser*
Lors d’une précédente journée d’études qui portait sur les Secrets de famille, nous nous étions demandées comment accéder à l’intimité familiale. Deux ans plus tard, le RePPaMa souhaite prolonger ces débats en invitant à une réflexion sur la restitution de la famille par les chercheurs et chercheuses en sciences sociales : de la collecte des matériaux à leur intégration aux productions scientifiques, comment donner à voir la famille ? Au-delà des approches « classiques » propres à chaque discipline, quelles méthodes innovantes peuvent être mobilisées, que ce soit sous la forme d’emprunts à d’autres traditions scientifiques, ou par la mise à profit de nouvelles techniques de l’information et de la communication ?
Les chercheur·ses n’explicitent pas toujours le cheminement de leur écriture et les modalités d’insertion des matériaux empiriques collectés dans les restitutions, travail qui apparaît comme une expérience éminemment individuelle (Zaki, 2006). Les données récoltées, sous toutes leurs formes, se doivent pourtant d’être formalisées et restituées dans l’analyse, et mériteraient d’être pensées collectivement. Comment rendre intelligibles les matériaux collectés pour les diffuser et les transmettre ? Dans quelle mesure les procédés utilisés renouvellent-ils les rapports entre enquêté·es et enquêteur·ices ?
Sont bienvenues toutes propositions en sciences humaines et sociales portant sur une enquête relative à la famille. La question de la collecte des matériaux devra être associée à une réflexion sur les modalités de restitution de ceux-ci et des analyses produites. Trois axes principaux de réflexion sont privilégiés.
1. Approches visuelles, matérielles et numériques de la famille
Les objets (au sens large) peuvent servir de médium pour récolter des informations sur les familles. Par exemple, l’enquêteur·rice peut soumettre aux enquêté·es des supports auxquels réagir (comme des photos à commenter) ou dessiner des schémas de parenté en début d’échange avec son interlocuteur·ice pour avoir une vue d’ensemble des différents membres de la famille.
Ils peuvent également constituer un matériau d’analyse en tant que tel (photographies ou vidéos de famille, objets symboliquement investis par la famille, etc.). Par exemple, les albums ou les films de famille donnent à voir les espaces domestiques, exposent les liens familiaux, et jouent un rôle constitutif dans la mémoire de la famille et de ses membres (Muxel, 1996 ; Sapio, 2017). L’accès à ces objets et productions privées se trouve démultiplié par la diffusion en ligne de photos, de vidéos ou d’enregistrements audios sur les réseaux sociaux ou les forums par exemple. Comment transformer les objets en matériaux, et éventuellement en constituer un corpus ? Comment les traiter et les classifier ?
Ces derniers peuvent également être (co)produits par l’enquête, par exemple en demandant aux personnes enquêtées de prendre des photographies de leur quotidien (Braizaz, 2019) ou en photographiant son terrain. On peut prendre l’exemple d’Alain Cotterau et Mokhtar Mohatar Marzok
(2012), qui se sont employés à répertorier et quantifier au jour le jour le mode de vie d’une famille andalouse d’origine marocaine, par des séances d’observation, des entretiens, mais aussi par la reconstitution des dépenses et des emplois du temps des membres de la famille. De même, Sibylle Gollac et Céline Bessière (2020) ont étudié les relations économiques dans la parenté à partir de monographies de famille, mais également dans d’autres espaces comme des études notariales ou des chambres de la famille des tribunaux de grande instance. Dans les cas de coproduction des matériaux, comment négocier les relations d’enquête, chronophages, mais qui, de plus, touchent au tabou de la circulation de l’argent dans la famille ou à l’exposition de l’intimité ? Plus largement, comment donner à voir le matériau et le discours qu’ils suscitent simultanément ? Quels sont les apports de l’utilisation de ces matériaux à la compréhension de la famille ?
2. Regards croisés : penser la famille à travers tous ses membres
Interroger plusieurs membres d’une même famille (parents/enfants/petits-enfants, conjoints et conjointes, etc.) permet d’enrichir le matériau récolté. Toutefois, la multiplication des focales complexifie l’analyse et sa restitution. La tendance des conjointes et conjoints à ne pas s’accorder sur une même représentation de « qui fait quoi » en termes de tâches domestiques en est un exemple connu (Régnier-Loilier et Guisse, 2009). Comment saisir les décalages dans les récits conjugaux et familiaux ? Comment restituer des points de vue multiples, et potentiellement discordants, sur une même situation et les faire dialoguer ?
D’autre part, l’objet famille, longtemps investigué à partir de la voix des adultes, se renouvelle également par l’inclusion des voix enfantines. Ces enquêtes envisagent ces derniers comme des acteurs à part entière, dotés d’une capacité à produire une histoire familiale. Enquêter auprès de cette population soulève des questions éthiques, mais nécessite également d’utiliser des méthodologies d’enquête innovantes, comme des méthodes participatives (Nobels et Merla, 2022 ; Duchesne et Ferry 2021). Comment enquêter auprès d’acteurs avec lesquels les malentendus d’enquête risquent d’être exacerbés (mécompréhension et malentendus entre enquêté·es et enquêteur·rices, relation asymétrique (Pagis et Simon 2020)) ? Comment restituer ces méthodes d’enquête dans la production théorique et empirique ?
3. Intimité et éthique
La restitution des données sur la famille pose aussi des questions éthiques, à commencer par l’anonymisation des matériaux. En fonction des disciplines, « pseudonymiser » comporte des impératifs méthodologiques et théoriques propres (Zolesio, 2011 ; Coulmont, 2017). Par conséquent, cette opération implique parfois de modifier certaines caractéristiques sociales des enquêté·es, ou de travestir le matériau (profils composites, réécriture partielle de textes collectés en ligne). En outre, si les historien·nes du XXe siècle intègrent souvent l’anonymisation à leurs pratiques d’écriture, celles et ceux qui travaillent sur des périodes antérieures, sur des figures publiques ou encore des affaires médiatisées, peuvent hésiter à anonymiser pour conserver la richesse de l’information, au risque de dévoiler l’intimité des objets de l’enquête ou leurs descendant·es. Il existe donc des limites de l’anonymisation qui participent aux enjeux éthiques spécifiques des travaux de sciences sociales sur l’intimité familiale.
Plus globalement, tout peut-il être donné à voir ? Les enquêteurs et enquêtrices peuvent avoir accès à des données particulièrement intimes (photographies, lettres, etc.) parfois transmises par les enquêté·es dans le cadre d’une relation de confiance, ou collectées dans les archives. Comment
restituer ces matérialités familiales et les inclure dans l’analyse tout en respectant l’intimité des familles ? Quel(s) impact(s) de ces restitutions sur les personnes enquêtées ?
À la lumière du développement des pratiques numériques, on peut aussi penser aux terrains en ligne renouvelant les recherches sur les familles (Balleys et al.), et aux données personnelles auxquelles ils donnent accès. La parole connectée suppose de nombreux enjeux méthodologiques et éthiques pour les chercheur·ses (Bjork James, 2015), et peu d’études explorent comment la restituer. Comment obtenir le consentement éclairé des utilisateur·ices, et respecter leur confidentialité ? Quelles normes éthiques sont adaptées à la captation de ces contenus publics ? Comment anonymiser quand on reproduit des textes ou des images obtenus en ligne ?
Ces réflexions sur les enjeux éthiques autour des données intimes sur les familles, de leur collecte à leur restitution, soulèvent enfin la question du devenir des matériaux constitués par les chercheur·ses au cours de leurs travaux. Ces matériaux devraient-ils être rendus accessibles, publics, détruits ? À l’ère de l’open access, comment garantir la confidentialité de ces contenus ?
Modalités de participation
Ces questions ne sont bien sûr que des pistes de réflexion. Les communications proposées pourront s’inscrire dans un ou plusieurs des axes envisagés, sans nécessairement s’y restreindre.
Un cycle de plusieurs demi-journées d’étude sera organisé à Paris en 2024.
Les propositions sont à envoyer au plus tard le 29 septembre 2023.
Si vous souhaitez intervenir, merci d’envoyer à l’adresse du RePPaMa [ reppama.contact@gmail.com] une proposition d’environ une page [4000 signes maximum, espaces compris], au format Word, OpenOffice ou pdf [intitulée Restituer_Prénom Nom_Titre de la communication]. Elle devra présenter un titre, le cadre théorique, la ou les question(s) de recherche, le matériau mobilisé, éventuellement quelques premières pistes d’analyse, et les principales références bibliographiques. Les propositions en français et en anglais sont acceptées.

Comité d’organisation : Inès Anrich, Myriam Chatot, Margot Lenouvel, Mike Marchal, Alix Sponton et Marine Quennehen
Références indicatives
Balleys Claire, Olivier Martin et Sylvie Jochems, « Familles contemporaines et pratiques numériques : quels ajustements pour quelles normes ? », Enfances, Familles, Générations, n° 31, 2018.
Bessière Céline et Sibylle Gollac, Le genre du capital. Comment la famille reproduit les inégalités, La Découverte, 2020.
Bjork-James Sophie, « Feminist ethnography in cyberspace: Imagining families in the cloud », Sex Roles, vol. 73, 2015, pp. 113-124.
Braizaz Marion, « Préadolescence, rapport au corps et relations familiales : ce que la photo-elicitation apporte à l’enquête qualitative », 8ème Congrès de l’AFS, Aix-en-Provence, 2019.
Cottereau Alain et Mohatar Marzok Mokhtar, Une famille andalouse. Ethnocomptabilité d’une économie invisible, Paris, Bouchêne, 2012.
Coulmont Baptiste. « Le petit peuple des sociologues. Anonymes et pseudonymes dans la sociologie française », Genèses, 2017, vol. 107, n°2 , pp. 153-175.
Duchesne Sophie et Ferry Maylis « Comment les parents transmettent-ils/elles la nation ? ou comment gérer le crash d’une hypothèse dès les premiers moments du terrain », 14ème atelier du Réseau d’Études Pluridisciplinaires sur les Paternités et les Maternités, Aubervilliers, 2021.
Muxel Anne, Individu et mémoire familiale, Paris, Nathan, 1996.
Nobels Bérengère et Merla Laura, Deux maisons, un chez-soi ? Expériences de vie de jeunes en hébergement égalitaire, Louvain-la-Neuve, Academia (coll. Famille, couple, sexualité), 2022.
Pagis Julie et Simon Alice, « Introduction : Du point de vue des enfants », Bulletin de méthodologie sociologique, vol. 146, n° 1, 2020, pp. 7-15.
Régnier-Loilier, Arnaud, et Nelly Guisse, « Chapitre 7. Mise en scène de la vie quotidienne : Dit-on les mêmes choses en présence de son conjoint ? » in Portraits de famille : L’enquête Étude des relations familiales et intergénérationnelles, Paris, Ined Éditions (coll. Grandes Enquêtes), pp.195-218.
Sapio Giuseppina, « Familles et caméras d’amateur : pourquoi a-t-on besoin de se filmer ? », Les Cahiers de la SFSIC, n° 13, 2017, pp. 183-192.
Zaki Lamia, « L’écriture d’une thèse en sciences sociales : entre contingences et nécessités », Genèses, vol. 65, n° 4, 2006, pp. 112-125.
Zolesio Emmanuelle, « Anonymiser les enquêtés », ¿ Interrogations ?, vol. 12, 2011, pp.174-183.