Appel à communications : 1974-2024. L’histoire des relations internationales contemporaines. Une discipline en transition

*Appel à communications *
*Date-butoir d’envoi des propositions : lundi 4 septembre 2023*
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*Colloque international*
*1974-2024. L’histoire des relations internationales contemporaines. *
*Une discipline en transition *
*Paris, 23-24-25 mai 2024*
À l’occasion de ses cinquante ans en 2024, la revue/Relations internationales/ souhaite entreprendre une évaluation de fond des mutations, qui ont affecté depuis un demi-siècle l’histoire des relations internationales en tant que discipline des sciences historiques, sous l’effet de multiples « tournants » épistémologiques. La dilution des frontières disciplinaires, due en partie à l’essor des /studies/, la transnationalisation et la « mondialisation » de nombreux objets d’études incitent à repenser son identité, ses objectifs et ses méthodes. L’historien ne peut pas non plus sous-estimer la force de l’événement ou des événements : inscrit dans un contexte très particulier, marqué par l’épidémie sanitaire mondiale du coronavirus et l’éclatement de la guerre en Ukraine, cet anniversaire invite aussi à questionner de nouveau une alternative fondatrice du débat international, entre coopération et affrontements nationaux et la relation entre deux lectures, culturelle et politique, des relations internationales, qui ont eu tendance depuis quarante ans à se vivre sur un mode antagoniste.
L’appel à communications est donc ouvert non seulement aux historiens internationalistes, mais aussi à ceux qui revendiquent l’internationalisation et la transnationalisation de leur domaine de recherche. Le colloque entend encourager le dialogue sur les prémisses épistémologiques, grilles de lecture, vocabulaires et méthodes de chacun, autour d’une étude de cas ou d’un exposé plus général. Son objectif n’est pas commémoratif, mais prospectif : l’enjeu est d’ouvrir des perspectives.
Cinq domaines de réflexion sont proposés.
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*Les concepts*
L’une des caractéristiques négatives appliquées à l’histoire des relations internationales contemporaines a été sa prétendue « réserve ascétique » vis-à-vis de l’exposé de ses prémisses épistémologiques et conceptuelles, reprochée par Hans-Ulrich Wehler à Klaus Hildebrand en 1996 [/Geschichte und Gesellschaft/22/1 (1996)]. Elle a pourtant ses concepts fondateurs, liés à son paradigme étatique originel (système, ordre, grandeur, puissance, intérêt national), et des concepts relevant de grilles d’interprétation plus diverses (forces profondes, dynamiques). Elle a toujours entretenu une relation forte avec les sciences sociales, en particulier la science politique. On constate néanmoins que ses historiens se sont encore trop rarement montrés intéressés par une réflexion sur leurs catégories d’analyse et par les débats engagés par l’histoire des idées et celle des concepts.
En repartant de la distinction opérée par Reinhart Koselleck entre les concepts hérités du passé, que l’on peut utiliser comme approche heuristique pour saisir la réalité passée, et ceux élaborés /ex post/ par les historiens du présent pour analyser les faits du passé, nous encourageons des interventions centrées sur les redéfinitions et les nouveaux usages des concepts de la discipline (comme de celui de « politique étrangère » ou de « puissance ») ou sur certains concepts analytiques récents (comme celui de « circulation qui a déjà fait l’objet d’une critique incisive ? Voir/Journal of Global History/, 2017/3, 12, p. 303-318), soit sur des mots, expressions, métaphores au cœur du discours des acteurs eux-mêmes (comme « paix », « solidarité », « développement », « sécurité », « norme » etc.), et qui ont pu être repris et intégrés (ou pas) dans le lexique analytique des historiens (s’interroger sur la trajectoire métaphorique des « Trois cercles » de Churchill à Nasser en est un exemple).
*Les espaces*
Les lieux de l’international ont longtemps été identifiés, de manière implicite, aux lieux diplomatiques (ministères, ambassades et consulats, sièges des organisations internationales etc.). Depuis ses origines, la revue /Relations internationales/ a étudié d’autres « acteurs » aux côtés des États (et de leurs composantes), les entreprises, les organisations non-gouvernementales, des organisations culturelles, universitaires, sportives etc., qui apparaissent comme d’autres lieux de l’international. À côté des lieux de gouvernance, de rencontre et d’échange, il y a aussi les lieux de souffrance et d’inégalité qui émergent comme objets d’étude des relations internationales : les zones de combat, les camps de réfugiés ou des prisonniers de guerre, les mines du Sud global où s’impose le travail forcé au profit des consommateurs du Nord, les lieux où s’affrontent les travailleurs locaux et le capitalisme, mais aussi les lieux de dialogue et de coopération Nord-Sud.
À côté de ces lieux institutionnels, il existe des espaces échappant aux logiques étatiques – comportant cependant la possibilité d’une institutionnalisation – et s’émancipant, mais pas toujours, des logiques nationales. Certaines places urbaines, telle laPuerta del Sol à Madrid et la place Tahrir au Caire, la place Maïdan à Kiev et la place Tienanmen à Pékin, en sont des exemples. Marqués par des manifestations aux objectifs variables, mais reposant tous sur l’idée de renouer avec une forme de démocratie, ces espaces matériels ont été, parmi d’autres, des espaces de circulation d’émotions collectives, de slogans et de pratiques, commentés ou repris d’un pays à l’autre.
Nous encourageons des propositions très diversifiées portant sur des lieux et espaces physiques, mais aussi sur des espaces géographiques ou imaginaires, traversés par des dynamiques inter- et transnationales ou marqués par des débats sur l’organisation du système international.
*Les acteurs*
L’histoire diplomatique classique avait identifié l’individu àune figure héroïsée, l’ « homme d’État ». À partir des années 1960, une partie de ses adeptes commencent à déplacer leur centre d’intérêt vers l’entourage de l’« homme d’État » à la lumière des études sur la prise de décision, tandis que d’autres participent de « l’éclipse de l’acteur » derrière des structures anonymes. Dans les années 1980, se rapprochant de l’histoire sociale et culturelle, l’histoire des relations internationales a « redécouvert » l’individu grâce à une perspective transnationale fondée sur la notion de « milieu » et d’ « expérience ». Les interventions se proposant de revisiter l’approche décisionnelle, des entourages et groupes de conseillers, sont encouragées. La participation des femmes aux relations internationales ayant fait l’objet de premiers travaux, les propositions articulant histoire des relations internationales et la perspective du genre seront aussi bienvenues.
Une nouvelle étape est franchie, dans les années 2000, avec l’affirmation de nouvelles « figures » de l’international. « Figures sociales », au sens défini par Sebastian Moser et Tobias Schlechtriemen en 2018, et non plus héroïques, elles peuvent, parmi d’autres, être considérées comme des « phénomènes d’émergence », symptômes des changements survenus à l’échelle internationale, porteurs, aussi, d’une expérience. L’individu est dès lors saisi dans une situation donnée, dans son contexte international, impérial, colonial. Les figures de médiateur, d’expert civil ou militaire, de juriste, de médecin, d’artiste, de responsable de firme géante (GAFA),de représentant d’un empire, de militant d’un mouvement ou d’une ONG, de membre d’un secrétariat international, déjà étudiés ou non, peuvent faire l’objet de lectures ou de relectures en fonction d’une approche biographique ou dans le cadre d’un portrait de groupe. La figure de victime de conflits armés peut être revisitée dans la perspective d’examiner sa capacité d’action dans les relations internationales.
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Toute intervention s’inscrivant dans ces perspectives et renouvelant l’approche des acteurs dans l’histoire des relations internationales sera bienvenue.
*Les temporalités *
Si les guerres ont, de longue date, structuré le temps de l’histoire internationale en un « avant », un « après » et un « entre-deux », la remise en cause d’une chronologie de nature politique, structurée par une vision juridique, a conduit, depuis les années 2000, à remettre en cause les périodisations traditionnelles et à se concentrer sur les périodes de transitions, sur le chevauchement de temporalités différentes, qui permettent de saisir la continuité dans la discontinuité, et selon le point de vue adopté d’y lire la fin d’une ère ou, et c’est le tropisme d’un XXI^e siècle présentiste, d’y rechercher les prémisses de notre temps.
Nous encourageons les interventions qui porteront sur les « seuils », « tournants », moments » et autres « transitions » dans l’histoire des relations internationales, et qui réfléchiront à la pertinence de césures spécifiques (une réflexion sur la « fin » du XX^e siècle serait ainsi bienvenue).
*Chantiers*
Des chantiers ont émergé depuis vingt ans dans l’histoire des relations internationales contemporaines : les femmes et les enfants, l’action humanitaire, l’environnement, les émotions, le numérique et la sécurité numérique, les relations inter-impériales, le travail forcé et la régulation du travail dans les relations internationales, les pratiques et procédures, ou encore le champ du droit et de la « norme internationale ».
De nouvelles interfaces ont été établies entre notre discipline et l’histoire économique, l’histoire politique, l’histoire militaire, elles-mêmes également en pleine mutation.
Une réflexion a aussi été engagée sur l’identification et la mobilisation de nouveaux corpus de sources, visuelles, sonores, ou encore sur les sources numériques.
En bref, le comité de rédaction accueillera avec faveur les propositions originales approfondissant leur inscription dans un champ des relations internationales, identifiant un nouveau chantier, ou soumetant un nouveau type d’approche.
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*Modalités de soumission des textes*
1) Les propositions succinctes d’intervention (en français ou en anglais), indiquant en une page environ le sujet, l’approche et la documentation envisagés, accompagnées d’un court CV, pourront être adressées au secrétariat de rédaction de la revue avant le *lundi 4 septembre 2023 *à l’adresse suivante : badel@univ-paris1.fr <mailto:badel@univ-paris1.fr> ; Matthias.Schulz@unige.ch <mailto:Matthias.Schulz@unige.ch> ; secretariat.ipr@univ-paris1.fr <mailto:secretariat.ipr@univ-paris1.fr>
2)Les papiers devront être livrés une semaine avant le colloque.
3) Les articles finaux donneront lieu à une publication dans la revue /Relations internationales/ en fonction de l’appréciation du comité de rédaction. Ils devront être soumis le 30 juin 2024, ne devront pas excéder 40000 signes (espace et notes comprises). La charte éditoriale de la revue est disponible sur le site des PUF <www.puf.com/Collections/relations_internationales>.
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Les organisateurs prendront en charge le transport et l’hébergement des participants.