Annonce journée d’études « La sorcière, entre objet historique et icône féministe »

Chères et chers collègues,
Mes collègues modernistes de l’Université de Strasbourg me prient de relayer auprès de vous l’annonce ci-dessous.
Bien cordialement,
Alexandre Dupont
La sorcière, entre objet historique et icône féministe
Regards scientifiques sur l’utilisation d’une figure fascinante

Université de Strasbourg vendredi 2 juin 9h 18h salle de conférence de la MISHA et en visioconférence
Comité scientifique et d’organisation Antoine FOLLAIN (ARCHE UR3400) Mathilde HAENTZLER (CRESAT UR 3436) Sophie JOLY-FROMENT (LPC UR 4440) Maryse SIMON (ARCHE) et Clémence VIAL-DETAMBEL (ARCHE)
– Programme
– Résumé
– Argumentaire
– Contacts
PROGRAMME
9h Introduction
9h15 Maryse SIMON : enjeux et pertinence de l’expertise historique
1. Problématique et historiographie
9h30 Maxime GELLY-PERBELLINI : Historiographie des liens entre sorcellerie et féminisme
9h45 Andreea MARCULESCU : Comment faire une histoire féministe de la sorcière ?
10h Maureen BAL : La réception de la figure de la sorcière par les écoféminismes français et étasuniens : quelles divergences ?
2. Construction de la figure iconique
11h15 Thaïs BIHOUR : Circé la magicienne au prisme de la Grande Guerre, allégorie d’un militarisme orgiaque et aveugle ?
11h30 Aude CHATELARD : Venefica : avant la sorcière, l’empoisonneuse
11h45 Maureen ATTALI : Lilith, « reine des sorcières » : les ambiguïtés du réinvestissement féministe de figures féminines mythiques
3. Utilisation et récupération
14h Sosthène IBOUANGA : Les représentations de la femme dans le discours sorcellaire au Gabon
14h15 Enzo LE GUIREC : La Légende de Himiko, intermédialité et territorialisation de la sorcière japonaise »
14h30 Claire LAPIQUE : La figure de la sorcière au regard des inégalités de genre et épistémique dans le contexte mexicain
4. Expertise scientifique
15h45 Rita VOLTMER : The witches of Silvia Federici or how feministic myths of the 19th and 20th century are surviving
16h Lucie POUCLET : La ré-activation de la figure de la sorcière à l’heure des réseaux sociaux : mise en scène de croyances magiques et esthétique « witchy »
16h15 Sarah FERBER : Expertise historique pour l’étude de la figure de la sorcière
17h Martine OSTORERO : Conclusions. Réhabilitations et utilisation de la figure iconique de la sorcière
RÉSUMÉ
La figure de la sorcière s’est construite à partir de croyances issues de l’imaginaire humain depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours. En Occident, la « chasse aux sorcières », selon l’expression consacrée, est initiée au Moyen Âge. Mais c’est l’époque moderne qui a condamné judiciairement et massivement ces femmes pour crime de sorcellerie dans un phénomène historique de grande ampleur. Cette répression issue d’une criminalisation progressive a produit une image complexe de la sorcière, parfois présentée comme une figure militante d’un féminisme forgé à l’aune d’interprétations polémiques très contemporaines. Comme beaucoup de médias l’affichent aujourd’hui, la sorcière est-elle réellement pacifiée, réhabilitée, dûment ou indûment récupérée à des fins de revendications sociétales ou abusivement exploitée pour servir des desseins vengeurs exprimés comme tels ?

ARGUMENTAIRE
Cette figure est utilisée de façon récurrente dans de nombreux espaces géographiques et se décline sous des aspects très différents selon les époques et les cultures, exerçant une fascination qui attire souvent les regards de façon irrésistible, qui subjugue par ses aspects aguichants ou qui peut paralyser le recul et la critique nécessaires à une étude prudente et approfondie.
La question de la définition de la sorcière est essentielle pour recenser la diversité des cas présents dans le temps et l’espace. La sorcellerie ne se décline pas qu’au féminin, comme la présence d’hommes l’atteste dans des proportions variables selon les régions (80% en Normandie à l’époque moderne). Le nombre de cas est un sujet continuellement révisé au vu des archives nouvellement exploitées, et également débattu suivant les interprétations ou extrapolations parfois exagérées pour étayer des thèses allant jusqu’à la manipulation. La célèbre militante écoféministe américaine qui se revendique sorcière, Starhawk, avance le chiffre de 9 millions de condamnations.
Se pose alors la question de la légitimité à utiliser la figure de la sorcière. Les acteurs et actrices d’un militantisme contemporain s’affichant par exemple comme wicca ou éco-féministes, entre autres mouvements très nombreux, prônent la réhabilitation des cas historiques judiciaires, et présentent la chasse aux sorcières comme un modèle absolu de féminicide. L’Ecosse et la Catalogne ont officiellement réhabilité en 2022 des milliers d’accusées avec une forte publicité médiatique. Que signifient les demandes actuelles de réhabilitation d’accusées dont la mort remonte pour certains à un demi-millénaire ?
Ce sujet dans l’air du temps fait état d’une récupération par des non-experts (journalistes, écrivain(e)s, influenceuses, « magiciennes » professionnelles – tireuse de cartes, « witch » avec un don de voyance, d’ensorcellement…) qui peuvent être animés par des objectifs mercantiles ou par un gain de notoriété. Une certaine confusion des genres peut parfois même se rencontrer au sein de la recherche universitaire. L’exemple de Jules Michelet qui a forgé dès 1862 l’image fantasmée d’une sorcière rebelle qui lutterait avec des desseins féministes avant la lettre, montre la persistance de cette interprétation qui érige la sorcière en symbole de revendications parfois anachroniques. Les chercheurs faisant preuve d’expertise et de compétences méthodologiques pour étudier un fait historique sont-ils les seuls aptes à pouvoir produire une analyse et une interprétation du phénomène ? Quelles sont les conditions nécessaires pour faire autorité en la matière ?
Cette journée d’études propose d’interroger avec un regard universitaire multidirectionnel la validité des arguments présentés pour démontrer que la sorcière est une icône féministe. Les éclairages scientifiques et historiographiques pourront mettre en lumière un débat d’actualité grand public souvent très polarisé autour d’une figure qui fascine de façon quasi systématique. La sorcière interroge ainsi les chercheurs de disciplines aussi variées que l’histoire, l’histoire de l’art, la théologie, la philosophie, la psychologie, la sociologie, l’ethnologie, l’anthropologie, les sciences de l’information et de la communication ou la littérature, sans être exhaustif.
La réflexion interdisciplinaire portera sur un espace géographique étendu à l’aire d’influence de mouvements féministes actuels œuvrant à l’échelle local ou mondial, incluant l’ensemble des espaces européens, américains, africains, asiatiques et océaniens, et sur un temps large qui englobe les quatre périodes historiques.
CONTACTS
collectif JE.sorciere.strasbourg@gmail.com
Maryse Simon maryse.simon@unistra.fr