Compte rendu de l’entretien avec M. Thierry Coulhon
Compte rendu de l’entretien avec M. Thierry Coulhon, conseiller spécial de la Présidence de la République pour l’Enseignement supérieur et la Recherche.
Présents : Thierry Coulhon (conseiller spécial ESR de la Présidence de la République), Catherine Grandjean (SoPHAU), Dominique Valérian (SHMESP), Lucien Bély (AHMUF), Clément Thibaud (AHCESR).
Thierry Coulhon nous reçoit le 28 mai 2018 à 18h à son bureau du Palais de l’Élysée. Après la présentation de chacune de nos associations, Clément Thibaud, président de l’AHCESR, précise les trois grands thèmes que nous souhaitons évoquer : les relations entre enseignement secondaire et supérieur ; la réforme des concours du secondaire ; le rôle des historiens de l’ESR dans le débat public. Il rappelle la fonction sociale de l’université pour les étudiants les moins favorisés et les territoires les moins bien dotés du point de vue économique et culturel. La politique de constitution de « pôles mondiaux » (via les IDEX, les I-sites et la constitution de certaines COMUE) fait craindre la constitution – ou le renforcement – d’un système à plusieurs vitesses. Il développe l’exemple des concours de l’enseignement secondaire où les chances des candidats sont très inégales selon l’endroit où ils se trouvent. L’égalité des chances et l’équité territoriale doivent aussi orienter les politiques publiques. Thierry Coulhon entend cette inquiétude et assure que la politique d’excellence, qu’il soutient fortement, n’est pas opposée à une juste répartition des ressources. L’équité sociale et territoriale préoccupe le gouvernement. La spécialisation thématique des universités représente une solution pour les « petites » universités.
Dominique Valérian, président de la SHMESP, aborde ensuite les relations entre l’enseignement secondaire et le supérieur et la question des doctorants et docteurs en poste dans le secondaire. Il souligne les progrès réalisés pour la reconnaissance du doctorat, et la nécessité de poursuivre ce travail, en n’oubliant pas les SHS. Il expose un certain nombre de problèmes qui affectent les doctorants et les docteurs qui enseignent au collège et au lycée, tout en continuant à produire une recherche de haut niveau dans des conditions souvent difficiles. Une lettre a déjà été envoyée en ce sens aux ministres, recteurs et directeurs d’administrations centrales, mais est restée sans réponse. Le diplôme du doctorat, par ailleurs, n’est pas reconnu par le ministère de l’Éducation nationale et ne donne lieu à aucun avantage en termes de carrière. Les lauréats de contrats doctoraux ou de postes d’ATER, titulaires des concours, ont souvent bien du mal à obtenir leur détachement auprès des rectorats, lesquels ne semblent pas suivre de politique homogène à ce propos. Il en est de même pour les contrats post-doctoraux, pour lesquels la France est très en retrait des autres pays européens en raison des mêmes blocages. Ces enseignants obtiennent parfois difficilement les autorisations nécessaires pour participer aux activités scientifiques comme les colloques. Il rappelle enfin la complémentarité entre secondaire et supérieur. La présence de ces doctorants et docteurs est une ressource précieuse pour participer à la formation continue, assurer les bonnes relations entre secondaire et supérieur et préparer les élèves à devenir étudiants, dans le cadre, notamment, de Parcoursup dont certains problèmes sont rappelés. Il faut donc rendre moins aléatoires les demandes de détachements ou mises en disponibilité, faciliter les autorisations d’absence ponctuelles pour participer à des manifestations scientifiques, dans le cadre de la formation continue, encourager les congés-formation au titre de la recherche, prendre en compte un motif d’activités de recherche dans les demandes d’aménagement d’emploi du temps ou de temps partiels. Thierry Coulhon est pleinement d’accord avec cette analyse. Le doctorat d’histoire devrait être valorisé, y compris auprès des entreprises, et il convient également que ce diplôme soit mieux reconnu pour l’excellence des compétences acquises, y compris pour les SHS. Il faut faciliter la vie des chercheurs en poste dans les lycées et collèges. La formation continue, en lien avec l’université et la recherche, constitue également un domaine important à renforcer. En revanche, un détachement de droit n’est pas envisageable, et une nouvelle circulaire à destination des recteurs et chefs d’établissement peu probable en raison de l’autonomie des établissements. Thierry Coulhon nous conseille d’approfondir cette discussion avec le ministère de l’Éducation nationale et sa DRH, pour aider à une évolution des pratiques, qui pourraient passer par une meilleure anticipation des demandes.
Catherine Grandjean, présidente de la SoPHAU, évoque ensuite la question des concours, en s’inquiétant des bruits sur les réformes en cours. La nécessité d’une excellente formation disciplinaire ne va pas de pair avec la proposition de mettre en place un pré-recrutement à la fin de la L3. Le niveau des étudiants qui entrent en L1 ne permet pas de consolider un socle méthodologique et cognitif suffisant pour envisager sereinement de placer une pré-sélection à la fin de la licence. Elle évoque ensuite la possibilité d’un CAPES qui associerait l’histoire, la géographie et l’histoire de l’art. Thierry Coulhon répond que le CAPES, tel qu’il existe, ne permet pas un recrutement optimal pour l’enseignement et qu’il conviendrait sans doute de repenser son architecture. L’association avec l’histoire de l’art, qui lui est suggérée, recueille son assentiment. L’agrégation, telle qu’elle existe en histoire, apparaît comme un concours destiné à ceux qui, au minimum, doivent enseigner au lycée, et même plutôt dans supérieur, bien qu’il ne faille pas développer à l’excès le nombre de PRAG. Il convient que nous nous mettions en contact avec le ministère de l’Éducation nationale qui mène actuellement une réflexion sur la réforme du CAPES (avec, parmi les possibilités, un recrutement régional).
Lucien Bély, président de l’AHMUF, prend enfin la parole pour ouvrir le dossier des « questions socialement sensibles » comme la nation, l’esclavage, la laïcité – en proposant à Thierry Coulhon l’idée d’un observatoire de ces enjeux. Il défend la place que les historiens de l’ESR devraient occuper dans le débat public sur ces thèmes qui doivent être abordés par la profession. Thierry Coulhon trouve l’idée intéressante et la discussion porte sur la nature d’une telle initiative pour qu’elle se branche sur l’institution, avec une concertation possible avec le Conseil supérieur des programmes, et qu’elle trouve un écho public, tout en préservant l’autonomie des enseignants-chercheurs et chercheurs.
La réunion se clôt vers 19h15.