Rencontre avec le président du jury du CAPES

Compte rendu de la rencontre entre les présidents d’associations d’historiens et le président du jury du CAPES, Vincent Duclert – Paris, le 28 janvier 2017

Présents : Vincent Duclert, Catherine Grandjean (SoPHAU), Dominique Valérian (SHMESP), Lucien Bély (AHMUF), Jean-Claude Caron (AHCESR)

V. Duclert commence par un bilan des relations entre le jury du CAPES externe et les associations d’historiens, à l’issue de son mandat à la présidence du jury :

« Il s’agit de la dernière réunion que j’aurai avec vous en tant que président du CAPES-CAFEP externe d’histoire-géographie puisque mon mandat de quatre ans – et j’ai tenu à en respecter le terme – s’achève sur cette session-ci 2017.
Je tiens à souligner durant ces années la qualité de nos échanges, leur sincérité qui permet d’établir une relation de confiance, leur sens de la responsabilité. Je tiens à saluer votre attention au concours, votre professionnalisme dans les rapports institutionnels, l’importance de vos jugements critiques et de vos propositions constructives que j’ai toujours considérés. Ainsi que votre compréhension large et réflexive des enjeux.
Je vous suis notamment très reconnaissant qu’en face de ma décision de ne pas recommander au ministère un changement du nombre de questions de programme, décision prise sur la base d’une écoute de votre demande et des impératifs de la bivalence du concours, décision que je vous ai exposée lors de notre précédente réunion de 2016 (le compte rendu que vous avez publié sur vos sites en fait foi), vous avez admis loyalement cette décision qui n’allait pas dans la direction d’au moins trois des quatre associations. Depuis, je n’ai jamais été sollicité par vous sur ce dossier, vous avez respecté ma décision même si elle vous en coûtait.
Vous avez fait preuve en la circonstance d’un sens aigu de l’intérêt général, de l’intelligence des enjeux – car n’est-ce pas plus important pour vous d’être en mesure d’accueillir dans vos départements des jeunes professeurs qui ont été heureux de préparer de belles questions de programme et qui veulent poursuivre avec vous en recherche ?
Je tenais à vous le faire savoir. Vous avez tenu votre rang et prouvé votre éthique professionnelle qui se fonde sur le choix de l’échange loyal, de la critique argumentée, du respect du dire et du faire, de la volonté de faire prévaloir l’intérêt général et la règle commune.
Ces valeurs forment l’horizon idéal du monde de l’enseignement supérieur et de la recherche, et aussi de l’enseignement scolaire et de la vie publique en démocratie. Il faut rappeler ces valeurs devant les comportements individuels et collectifs qui prétendent s’en affranchir. C’est ce que m’apprend la présidence de ce concours : l’importance de telles valeurs dans la construction des mondes de confiance, des sociétés de connaissance et des espaces de paix.
Ces valeurs définissent notre concours et le professionnalisme que j’ai souhaité y renforcer. Le CAPES-CAFEP est au croisement de l’enseignement supérieur et de la recherche, de l’enseignement secondaire, des professions de l’éducation nationale. Il y a donc un sens profond de permettre aux futurs professeurs que nous recrutons d’investir ces valeurs afin de se préparer à habiter leur métier, et à ceux qui les recrutent de réinvestir toujours davantage ces valeurs sans quoi l’intérêt général, la conscience publique, l’éthique professionnelle ne seraient que des mots et pas des attitudes. »

J.-C. Caron remercie V. Duclert pour la confiance qui a prévalu dans le dialogue avec lui au cours de ces années. Il rappelle que le CAPES reste un enjeu fondamental pour les universités, surtout de taille moyenne. Pour les étudiants le concours reste la première filière d’orientation, même s’il a contribué à vider les masters recherche. L’AHCESR a organisé une journée concours l’an dernier, qui a été un succès, réunissant 250-300 personnes, dont des collègues formateurs non spécialistes de la question, avec une capture audio mise en ligne. Il souligne le retour nécessaire à une certaine stabilité, après une période de flou sur les épreuves, qui permet aux étudiants de préparer au mieux le concours.
C. Grandjean remercie V. Duclert d’avoir sauvé le disciplinaire, mais plaide pour le retour aux 4 périodes, quitte à ajouter une question de géographie. L. Bély, qui rappelle l’importance d’un programme spécifique au concours, est également favorable à un retour des 4 questions pour que les futurs enseignants disposent d’un solide socle de connaissances de l’histoire, car il constate de larges lacunes scientifiques. V. Duclert rappelle que l’épreuve 2 de l’oral, qui porte très directement sur les programmes du secondaire, permet d’organiser des enseignements généralistes en histoire et en géographie dans les universités, afin de compléter la culture générale des candidats. D. Valérian suggère, pour éviter une solution à 4 questions d’histoire et 4 de géographie, qui alourdirait beaucoup la préparation, de revenir à un dispositif qui a existé autrefois, permettant aux candidats de choisir une matière dominante. Les historiens prépareraient alors les 4 questions d’histoire communes avec l’agrégation, et 3 questions de géographie, dont deux communes à l’agrégation, et réciproquement pour les géographes. V. Duclert répond que cette hypothèse serait vécue par une majorité de géographes préparateurs comme une remise en cause de la bivalence entre les deux disciplines qui définit le concours depuis la session 2011. De toute manière, indique-t-il, il écarte toute évolution sur le sujet comme il l’a clairement mentionné lors de la précédente réunion avec les associations d’historiens (il a été sensible, comme il le mentionne dans sa déclaration liminaire, sur le fait que ces associations ont loyalement respecté sa décision). Il précise enfin, parce que l’on prête parfois au président du jury des pouvoirs immenses, qu’une telle réforme ne peut être décidée que par le ministère qui a autorité sur le concours.
L. Bély souligne combien le concours est structurant pour toutes les universités, permettant d’afficher une dimension de professionnalisation de leurs formations. Il remarque cependant que pour certaines universités comme Paris-Sorbonne le CAPES attire moins, car le métier fait encore peur. C. Grandjean ajoute que pour une université comme celle de Tours il continue de constituer un moyen important d’ascension sociale.
L. Bély demande quel est le bilan des nouvelles épreuves, et s’interroge sur leurs conséquences sur l’enseignement de licence, par exemple sur l’exercice de commentaire ou la dissertation.
V. Duclert : Il y a une collaboration forte entre les jurys de CAPES et d’agrégation, internes et externes, particulièrement sur les questions de programme. La discussion avec les présidents des jurys d’agrégation depuis 2014 a permis le retour à des questions communes, avec désormais un renouvellement régulier tous les deux ans. Pour les questions mises au programme le directoire du CAPES est force de proposition, dans un dialogue avec les directoires des agrégations, comme ce fut le cas pour la nouvelle question d’histoire moderne proposée par le vice-président du jury du CAPES. De même pour la question d’histoire contemporaine sur le Moyen-Orient, voulue par V. Duclert dès son accession à la présidence du jury et qui a trouvé auprès du président de l’agrégation Yves Poncelet et de la professeure Catherine Mayeur-Jaouen qui a accédé pour cela au jury de ce concours, des oreilles plus qu’attentives. Cette concertation entre les concours pour la définition des nouvelles questions est nécessaire et salutaire, particulièrement pour le CAPES qui assume un rôle dans le pilotage de la formation initiale et de l’initiation à la recherche des jeunes professeurs à des fins pédagogiques. Les jurys ont le souci de proposer des questions qui doivent intéresser les candidats (et les préparateurs), et doivent être source à la fois de formation et d’épanouissement intellectuel, d’ouverture à la recherche, de compréhension du monde – les conditions de mise en œuvre d’une solide pédagogie enseignante.
La discussion a ensuite porté sur les relations avec les géographes, dont douze d’entre eux sont intervenus, notamment à travers deux lettres diffusées sur les réseaux sociaux puis finalement sur le site de l’APHG, pour défendre le maintien des 3 questions. V. Duclert a répondu, toujours par le biais de l’APHG, à la 1re de ces lettres, pour dire que jamais, avec lui aujourd’hui, le principe des trois questions d’histoire et des trois questions de géographie ne serait remis en cause, et qu’aucun signe d’une quelconque modification ne pouvait être avancé. Visiblement, ce principe de réalité a été refusé par ces douze signataires qui ont persisté par une seconde lettre à laquelle il apparaissait inutile de répondre. Tout était dit dans la première réponse. Le remplacement du vice-président géographie a suscité débats et contestations de la part des mêmes douze géographes signataires des lettres pétitionnaires. V. Duclert souligne qu’il est légitime qu’une réflexion entoure ces nominations qui sont de l’autorité du président. Celle-ci a débouché sur la nomination de Pauline Guinard (MCF à l’ENS) comme vice-présidente, et d’Edouard de Bélizal (PRAG à Paris 10), comme secrétaire général, chargé de préparer avec la vice-présidente, pour le futur rapport de la session 2017, un rappel argumenté de la démarche géographique (comme il sera fait pour la démarche historienne) telle qu’elle doit s’exprimer dans les productions des candidats tant à l’écrit qu’à l’oral, et par ailleurs mieux harmoniser comme le fera le jury d’histoire les conditions d’accès des candidats aux deux bibliothèques de l’épreuve 1 « Mise en situation professionnelle » (l’organisation de ces bibliothèques doit suivre la division du programme en trois questions chaque année). D. Valérian propose à ce sujet de rendre publique et accessible sur internet la liste des ouvrages mis à la disposition des candidats, pour qu’ils puissent mieux préparer les épreuves orales. V. Duclert rend bonne note de la proposition et la soumettra au directoire du concours.
V. Duclert rappelle que, s’il quitte la présidence du jury après la session 2017, il prépare comme traditionnellement une partie de la session 2018, d’une part en travaillant avec les autres concours pour l’établissement des nouvelles questions de programme (une nouvelle en histoire, deux en géographie) qui seront rendues publiques début avril 2017 par le Ministère, d’autre part en décidant des évolutions au sein du directoire afin que la transition se déroule au mieux. Gwladys Bernard (MCF, histoire romaine, Paris 8) remplacera Pascal Brioist, la succession de V. Duclert étant en discussion et la décision appartenant au Ministère. Les associations d’historiens rappellent que les universitaires continuent à avoir vocation à présider à tour de rôle avec l’IGEN les jurys de concours, comme l’engagement en avait été pris lors du dernier renouvellement de la présidence de l’agrégation, et C. Grandjean suggère de consulter également l’APHG.
L’évolution du concours vers un environnement numérique maîtrisé se poursuit, avec en 2017 une généralisation des copies dématérialisées et le recours à un logiciel d’aide à la correction, dispositif expérimenté avec succès l’an dernier pour l’épreuve de géographie. Pour l’oral, l’épreuve 2 d’analyse de situation professionnelle sera en partie dématérialisée, avec toujours un dossier de documents papier, mais aussi une clé USB permettant aux candidats de préparer, grâce à un ordinateur individuel mis à disposition dans la salle de préparation, trois diapositives qu’ils pourront utiliser en les projetant en salle de commission à l’appui de leur exposé (cf. rapport 2016). L’accès aux ressources en ligne reste pour l’instant impossible pour les candidats (en raison des risques de coupure de liaison internet mais aussi de modification des contenus disponibles entre le début et la fin des oraux, entraînant une rupture d’égalité des candidats), même si une réflexion doit être engagée, souligne J.-C. Caron, en raison de la place de cet outil désormais dans les pratiques pédagogiques. Cette évolution suppose un coût important, notamment pour la location d’ordinateurs pour tous les candidats, ce qui empêche pour l’instant d’étendre cette mesure à l’épreuve 1 (mise en situation professionnelle).
Pour la partie didactique des épreuves écrites (commentaire) et orales, V. Duclert souligne l’importance de la réflexion sur l’interdisciplinarité et le lien avec l’enseignement moral et civique, dans lequel les professeurs d’histoire-géographie sont amenés à jouer un rôle moteur dans la classe et dans l’établissement. D’une manière générale, les candidats doivent mettre en valeur dans cet exercice la cohérence de leur démarche, la rigueur de la narration et de leur plan de cours, dans une démarche qui montre comment le professeur pourrait faire réfléchir et travailler ses élèves, en puisant dans une « boîte à outils » pédagogiques. D. Valérian propose de préciser les attentes pour cet exercice dans le prochain rapport, avec des exemples précis de ce qui est attendu par le jury. V. Duclert retient cette proposition.
Les décisions des avis des commissions pour les candidats recalés pourront désormais être transmises aux candidats qui en feront la demande auprès du ministère.
Pour 2017 le nombre de postes mis au concours sera de 680 (plus 100 pour le CAFEP), contre 700 en 2016 (et 140 pour le CAFEP).
Le nombre d’inscrits pour la session 2017 est de 5256 pour le public et de 981 pour le privé (pour mémoire, en 2016, le nombre d’inscrits pour le public était de 5337 et de 944 pour le privé). Cette stabilité démontre pour V. Duclert un réel intérêt pour le concours et l’existence d’un vivier important d’étudiants pour lesquels les préparateurs ne mesurent pas leur peine dans leur effort de formation.