Suppression des qualifications par le CNU : réactions de l’AHCESR et de l’APHG et pétition nationale
L’AHCESR partage l’émoi de l’ensemble de la communauté universitaire après le vote, au Sénat, d’un amendement à la loi ESR qui supprime la qualification par le CNU des candidats à un poste de McF ou de Pr.
Nous vous invitons à suivre le lien pour signer la pétition lancée par la CP-CNU afin de demander le maintien de la procédure de qualification par le CNU : http://www.petitions24.net/cpcnu
Attention : la commission paritaire des députés et sénateurs se réunira ce mercredi. La pétition n’a donc de sens que si elle est signée d’ici demain.
De son côté, l’AHCESR adresse, de concert avec les autres associations d’historiens et des autres disciplines, le message suivant :
L’association des historiens contemporanéistes se déclare scandalisée par le vote au Sénat d’un amendement visant à supprimer la qualification par le CNU aux fonctions de Maître de Conférences et de Professeur des Universités. Outrée par la faiblesse des arguments avancés et par l’absence totale de débats, elle tient à affirmer son attachement à cette procédure, unique étape nationale préalable au concours de recrutement des Maîtres de conférences et Professeurs. Le CNU joue un rôle décisif dans le maintien d’un niveau scientifique et pédagogique élevé sur l’ensemble du territoire. Il participe à la lutte nécessaire contre les inégalités territoriales et contre les dérives potentielles du « localisme ». L’amendement de suppression de la procédure de qualification par le CNU témoigne d’une méconnaissance de l’institution universitaire et d’un mépris consternant à l’encontre de la communauté scientifique.
L’association des historiens contemporanéistes appelle donc les parlementaires à supprimer cet amendement très néfaste.
Pour le CA de l’AHCESR, la présidente, Nadine Vivier
–
Voici également un communiqué de l’APHG [mise à jour du 25 juin]
L’APHG demande le retrait de l’amendement voté au Sénat qui supprime les qualifications CNU pour les recrutements et les qualifications des enseignants chercheurs et porte un coup à l’enseignement républicain.
Le 21 juin un amendement a été adopté par le Sénat. Il introduit dans le projet de loi sur l’Enseignement Supérieur et la Recherche la suppression, de la qualification nationale par le CNU pour les recrutements et promotions d’enseignants-chercheurs. Plus que jamais attachée à la transparence des procédures de recrutement des enseignants de la République, à tous les niveaux, et soucieuse d’en maintenir l’échelle nationale, l’APHG partage le vif émoi causé par la perspective de la suppression de cette qualification par le CNU des candidats à l’entrée ou la promotion dans l’université française .Cette instance représentative car élue est garante d’une évaluation équitable des enseignants chercheurs et fait un indispensable contrepoids aux logiques locales que la future loi Fioraso n’a hélas pas corrigées. La manière, subreptice, et le principe délétère, de cette dépossession des prérogatives du CNU ne peuvent qu’être condamnés avec la plus grande fermeté. L’APHG est déterminée à combattre, aux côtés des Sociétés savantes, ce nouveau coup porté aux valeurs de l’enseignement républicain.
Bruno Benoit, Président de l’APHG et le Bureau national
–
L’exposé de la situation par Jérôme Valluy :
Un amendement sidérant, improvisé par les Verts, a été adopté et introduit hier soir au Sénat dans le projet de loi sur l’Enseignement Supérieur et la Recherche : la suppression pure et simple de la procédure de qualification nationale par le CNU pour les recrutements et promotions des enseignants-chercheurs : http://www.senat.fr/amendements/2012-2013/660/Amdt_6.html
L’amendement n°6 supprime le premier alinéa de l’actuel article L. 952-6 du code de l’éducation prévoyant « Sauf dispositions contraires des statuts particuliers, la qualification des enseignants-chercheurs est reconnue par une instance nationale. » Ci-dessous le premier extrait des débats, vers 21h30, où l’on voit la complaisante ambiguïté de la rapporteure et surtout de la ministre préférant laissant passer, tout en en ayant pas l’air, mais sans s’exprimer clairement contre, sans doute pour s’assurer du vote global des Verts sur le projet (adopté hier vers 1h du matin) quitte à leur laisser faire n’importe quoi plutôt que de défendre la procédure de qualification.
Le caractère improvisé de l’opération apparaît dans le rejet d’un autre amendement n°7 (cf. ci-dessous deuxième extrait) de mise en cohérence du code de l’éducation. Mais ce rejet concernant des statuts dérogatoires ne réduit pas la portée de la suppression opérée par le précédent amendement.
La commission mixte paritaire est prévue pour mercredi 26 juin 2013 avec 7 députés (4 gauche, 3 opposition) + 7 sénateurs (3 socialistes, 1 Vert, 2 UMP, 1 UDI). Le texte, pour être adopté, devra recueillir 8 voix pour. Les sénateurs écolo et UDI vont être en position de négocier la 8ème voix. En cas d’échec, la loi reprendra le chemin des deux hémicycles pour deuxième lecture à l’AN, où le dépôt d’amendements serait ainsi ré-ouvert (séance éventuelle le 9 juillet) et au Sénat (15 juillet). Si les texte adoptés dans les deux chambres ne sont pas identiques, la loi retournera à l’AN pour décision finale.
En revanche, l’AERES ré-intitulée HCERES (Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur) est maintenue avec pour mission « De s’assurer de la prise en compte, dans les évaluations des personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche, de l’ensemble des missions qui leur sont assignées par la loi » (art.49-4).
Si il reste en l’état, le texte de loi portera un coup fatal à l’évaluation par le CNU des compétences dans chaque discipline scientifique : les petites disciplines en particulier, faibles dans les commissions locales, risquent de voir se multiplier des recrutements locaux décalés par rapport à leurs domaines et de se trouver ainsi laminées par des disciplines voisines plus puissantes dans les jeux de pouvoirs internes aux universités. Cet amendement porte un nouveau coup au caractère national des statuts d’enseignants-chercheurs au profit d’une gestion locale allant dans le sens de la régionalisation en cours du système universitaire français. La qualification par le CNU tant des docteurs, candidats aux postes d’enseignants-chercheurs, que des enseignants-chercheurs, candidats à une promotion, est une procédure d’évaluation indispensable à la qualité du travail dans cette profession : sa suppression risque de servir de prétexte à la réintroduction d’une autre forme d’évaluation, technocratique et non scientifique, aux fins de réductions budgétaires par modulation des services d’enseignement. En l’absence de cette évaluation des recherches et des dossiers de candidatures par le CNU, la propension aux recrutements localistes de candidats plus séduisants par leurs proximités ou dépendances relationnelles que par les mérites de leurs productions et expériences s’aggravera inéluctablement au détriment de la qualité du service public d’enseignement supérieur et de recherche.
Jérôme Valluy – 22 juin 2013
——————————————————————
Extraits du compte-rendu de séance du 21 juin : http://www.senat.fr/cra/s20130621/s20130621_4.html#par_747
——————————————————————
« Mme la présidente. – Amendement n°6, présenté par M. Gattolin et les membres du groupe écologiste.
Après l’article 43 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 952-6 du code de l’éducation est supprimé.
Mme Corinne Bouchoux. – Les modalités de la qualification sont une originalité française. La procédure est très chronophage, coûteuse et détourne les enseignants-chercheurs de leurs missions premières, la recherche et la formation. Je reprends ici la proposition 126 du rapport Berger. Faisons confiance aux jurys de thèse et supprimons cette procédure.
Mme Dominique Gillot, rapporteure. – La proposition de M. Berger est intéressante mais prématurée ; la concertation n’a pas encore abouti. Retrait ?
Mme Geneviève Fioraso, ministre. – On peine à obtenir le consensus de la communauté scientifique. Le temps n’est pas venu d’installer ce dispositif. Laissons le temps au temps. L’objectif de la loi est avant tout d’apaiser, de rassembler, de remobiliser.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. – Le temps n’est pas venu d’installer ce dispositif ? Il ne s’agit pas d’installer mais de supprimer un dispositif qui pénalise tous les doctorants de France…
L’amendement n°6 est adopté. »
http://www.senat.fr/amendements/2012-2013/660/Amdt_6.html
——————————————————————
ARTICLE 44
Mme la présidente. – Amendement n°7, présenté par M. Gattolin et les membres du groupe écologiste.
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Les mots : « dont la qualification est reconnue par l’instance nationale prévue à l’article L. 952-6 » sont supprimés ;
Mme Corinne Bouchoux. – Amendement de cohérence.
Mme Dominique Gillot, rapporteure. – Je maintiens l’avis défavorable de la commission. La concertation n’est pas mûre pour supprimer la qualification.
Mme Geneviève Fioraso, ministre. – Même avis.
L’amendement n°7 n’est pas adopté.
http://www.senat.fr/amendements/2012-2013/660/Amdt_7.html
——————————————————————