Sociétés coloniales : exposé de Sylvie Thénault

Le 24 mai 2012, à Créteil, l’AHCESR a participé à l’organisation d’une journée « Sociétés coloniales » en lien avec le nouveau programme de CAPES, avec Thierry Bonzon (Marne-la-Vallée, équipe ACP), Rémi Fabre (UPEC, laboratoire CRHEC) et Marie-Albane de Suremain (UPEC et laboratoire SEDET). Nous avons le plaisir de vous donner à lire ici les textes des intervenants.

Les enregistrements audio de leurs interventions peuvent également être écoutés sur le site du Centre de recherche en histoire européenne de l’UPEC.

Sylvie Thénault est chargée de recherche CNRS.

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Le régime pénal de l’indigénat. Une histoire en débat

 En situation coloniale, en dépit de la multiplicité de juridictions susceptibles d’intervenir pour réprimer des infractions, la résolution des conflits et la punition échappaient majoritairement à la justice. Selon l’article d’Anne Cornet, au Ruanda-Urundi, ainsi, les affaires n’impliquant que des Africains étaient d’abord débattues dans les communautés villageoises afin d’être réglées entre soi, avant d’être éventuellement portées à la connaissance des autorités et d’entrer dans le circuit judiciaire officiel, qu’il s’agisse de la justice coutumière agréée par les autorités coloniales ou des tribunaux coloniaux eux-mêmes. Surtout, il existait une répression administrative, c’est-à-dire une répression exercée par les administrateurs. Les affaires qui revenaient aux administrateurs pouvaient se conclure par une simple admonestation du contrevenant ou par une amende transactionnelle, au montant négocié. Mais les administrateurs étaient aussi habilités à infliger de véritables peines d’amende ou de prison, assorties d’une mise au travail, ainsi qu’à recourir à des châtiments corporels : enchaînement, entrave par des menottes, coups de fouet. Ces peines visèrent majoritairement les résistances à l’implantation de nouvelles cultures, imposées par les autorités dans un but économique, le non-respect des contrats de travail sur les plantations et les manquements aux contraintes de résidence ou aux obligations sanitaires. Or, de 1930 à 1948, le total des peines infligées à des sujets coloniaux au Ruanda-Urundi se décompose ainsi : 65% des peines furent prononcées par des administrateurs usant de leurs pouvoirs répressifs et 35% seulement par les tribunaux.

Cette primauté de la répression administrative est caractéristique de l’Empire français, où régnait le régime pénal de l’indigénat. Ce dernier comprenait quatre mesures. Le séquestre des biens, d’abord, pouvait être collectif et n’aboutissait pas toujours à la confiscation des terres visées – si elles n’étaient guère propices à la colonisation, les terres étaient laissées en jouissance à leur propriétaire qui devait payer des soultes de rachat du séquestre, pour en obtenir la levée. Ce régime comprenait ensuite des amendes collectives et l’internement administratif. Ce dernier se traduisait soit par une assignation à résidence soit par la détention dans des dépôts spécialisés ou dans des lieux de détention ordinaires. Enfin, le régime pénal de l’indigénat impliquait la pratique de pouvoirs disciplinaires, permettant à des agents de l’État colonial d’infliger des amendes ou des jours de prison à des sujets coloniaux, pour punir une liste d’infractions spéciales – sur le même principe qu’au Ruanda-Urundi.

Ce régime est plus connu sous l’appellation de « code de l’indigénat«  mais celle-ci pose problème. Il n’existait pas, en effet, de « code«  au sens propre du terme : un volume rassemblant tous les textes juridiques relatifs à cette matière. Le mot « code« , en outre, suggère une réglementation et un encadrement par le droit, qui n’était que très relatifs. Dans les colonies conquises et organisées postérieurement à l’Algérie – Indochine, AOF, AEF, Madagascar, Nouvelle-Calédonie – ces mesures furent effectivement légalisées par des décrets mais en fait, elles résultaient de pratiques antérieures à ces textes légaux, généralement nées dans le contexte de la conquête et des premiers temps d’administration militaire. Il ne s’agit donc pas de mesures répressives créées par le droit mais encadrées par celui-ci, a posteriori. En Algérie, seuls les pouvoirs disciplinaires étaient clairement réglementés : par des décrets de 1874 pour les juges de paix, compétents dans les communes de plein exercice, semblables à celles de la métropole ; par des lois votées à partir de 1881 pour les administrateurs de communes mixtes, ces communes dépourvues de conseil municipal et de maire, gérées par un administrateur nommé. Le fondement légal des autres mesures était fragile et discuté – il fut ainsi argué au député Albin Rozet, qui souhaitait, en 1909, supprimer l’internement administratif, que c’était impossible dans la mesure où l’internement n’était qu’une pratique de fait, sans texte légal qu’on aurait pu abolir. Enfin, l’expression « code de l’indigénat«  a une signification flottante : il désigne, dans le cas de l’Algérie, la seule loi relative aux pouvoirs disciplinaires exercés par les administrateurs , les décrets dans leur ensemble ailleurs.

La mise en œuvre du régime pénal de l’indigénat reste mal connue dans l’historiographie. Il est cependant certain que, comme au Ruanda-Urundi, elle dépassait le recours à la justice. De 1898 à 1910 ainsi, en Algérie, les administrateurs infligeaient plus de 20 000 peines d’amende ou de prison par an. Comme la loi l’autorisa à partir de 1897, la majorité de ces peines furent converties en journées de travail – près de 600 000 furent infligées à des Algériens de 1898 à 1910. Au même moment, on ne comptait que quelques milliers de procédures judiciaires par an.

Le régime pénal de l’indigénat fut supprimé dans le droit français à la fin de la Seconde Guerre mondiale, entre 1944 et 1946, selon les colonies. Son usage avait cependant été fluctuant depuis la fin de la Première Guerre mondiale. En Algérie, il était tombé en désuétude et les pouvoirs disciplinaires des administrateurs avaient pris fin en 1927. Trois facteurs expliquent cette évolution : les exemptions, la réforme de la fiscalité et la mutation de l’opposition à la colonisation. En 1919, en effet, une loi améliora le statut des Algériens, dans une logique de récompense pour leur loyalisme et leur participation à l’effort de guerre. Or cette loi exempta 400 000 d’entre eux de la plupart des mesures du régime pénal de l’indigénat. Au-delà de cette portée quantitative, les exemptions délégitimèrent la pratique concrète de ce régime  : il était devenu impossible, en particulier, d’infliger des amendes collectives, dès lors qu’il existait des exemptés dans la communauté visée. La loi de 1919 allégea aussi considérablement la fiscalité en supprimant les « impôts arabes », ces impôts particuliers qui pesaient sur les Algériens. Dans un contexte où la majorité des peines prononcées par les administrateurs sanctionnaient des infractions fiscales, il était logique que l’emploi des pouvoirs disciplinaires s’en trouve réduit. Enfin, dans l’Entre-deux-guerres, la menace ne venait plus des résistances du milieu rural, que visait la régime pénal de l’indigénat , mais des organisations politiques qui se structurèrent. Le régime pénal de l’indigénat était inadapté à leur répression, qui recourut aux moyens ordinaires de la répression politique : interdiction de la presse, des réunions, arrestation des dirigeants, condamnations etc.

Dans les autres colonies françaises, l’usage du régime pénal de l’indigénat, également dominé par la répression fiscale, resta dépendant de la conjoncture économique. Selon Laurent Manière, il flamba ainsi en AOF dans les années 1930, en raison des difficultés que rencontraient les paysans pour faire face aux impôts. Les exemptions dépassèrent également le seul cas algérien. Elles se généralisèrent dans une double logique : la récompense des sujets coloniaux pour leurs sacrifices pendant le premier conflit mondial et la soustraction de catégories de populations considérées comme « évoluées » et devant, de ce fait, échapper à cette forme de répression spéciale. Le régime pénal de l’indigénat ne concernait que ceux qui restaient considérés comme inférieurs. Les diplômés, les titulaires de certaines médailles, les anciens combattants, certains commerçants et propriétaires terriens, ainsi, pouvaient être dispensés de ce régime spécial. En AOF, en 1929, l’exemption des femmes fut prévue mais il fallait un texte dans chaque territoire de la Fédération pour l’appliquer et la situation varia suivant les territoires.

Quoi qu’il en soit, le régime pénal de l’indigénat impliquait que la répression des infractions ne fusse que très partiellement judiciarisée. Elle ne passait pas, majoritairement, par la justice. Gregory Mann, en outre, a bien démontré qu’elle dépassait les bornes fixées par le droit. Ce régime fut en effet interprété comme une façon de « légaliser la violence », selon Isabelle Merle. Selon cette interprétation, l’instauration de ce régime aurait eu pour effet de doter les représentants de l’autorité coloniale de pouvoirs forts afin de mieux encadrer leurs pratiques répressives. Traçant une frontière entre ce qui était autorisé et ce qui était interdit, ce régime les guidait au quotidien dans la répression de leurs administrés. Ainsi existait-il une violence légale qui, si elle constituait bien en elle-même une violence, était encadrée et donc, potentiellement limitée. Cette interprétation a cependant été remise en cause par Gregory Mann, dans le cas précis de l’AOF. Concrètement, explique Gregory Mann, étant donné la sous-administration des territoires coloniaux, la répression revenait au premier échelon des représentants de l’autorité. En AOF, il s’agissait des gardes-cercles, dont les témoins se rappellent aujourd’hui encore les violences quotidiennes, allant de la flagellation à diverses formes d’humiliation publiques. À l’échelon supérieur, en outre, les commandants, détenteurs des pouvoirs disciplinaires, qui leur permettaient d’infliger légalement des peines d’amendes et de prison, ne se privaient pas de recourir à des châtiments corporels, en sus ou à la place de ces peines légales. Il pouvait s’agir, par exemple, d’être maintenu dans une position assise douloureuse, pour une période fixée d’emblée, ou jusqu’à ce que le tort soit réparé – taxes dues payées, par exemple. Aux colonies, ainsi, l’existence d’une législation répressive n’avait pas pour corollaire la disparition d’une violence sans cadre et donc a priori sans limite. Cette situation tient évidemment au déficit de contrôle des représentants de l’État colonial sur le terrain.

Si le régime pénal de l’indigénat se prête aisément à cette démonstration, celle-ci est aussi valable en dehors de l’Empire français. Dans le cas britannique, Taylor C. Sherman propose la notion de « réseau coercitif » afin de mieux rendre compte des pratiques répressives en vigueur. Cette notion est fondée sur le constat que ces pratiques outrepassaient les limites tracées par le droit. Sur le terrain, comme dans l’Empire français, la répression combinait des mesures légales et des pratiques interdites par la loi. Toutes ensemble, légales ou non, ces pratiques auraient ainsi fonctionné en « réseau » pour contribuer au maintien de la domination coloniale. Les violences physiques existèrent ainsi continûment.

Bibliographie :

Cornet Anne, « Punir l’indigène : les infractions spéciales au Ruanda-Urundi (1930-1948) », Afrique et Histoire, 2009/1, vol. 7, pp. 49-73.

Merle Isabelle, « De la « légalisation » de la violence en contexte colonial. Le régime de l’indigénat en question », Politix, 2004/2, vol. 17, n° 66, p. 137-162.

Manière Laurent, Le Code de l’indigénat en AOF et son application : le cas du Dahomey, Thèse microformée, Paris 7, 2007.

Mann Gregory, « What was the Indigénat ? The « Empire of Law«  in French West Africa », Journal of African History, 2009/50, p. 331-353.

Sherman Taylor C., « Tensions of Colonial Punishment: Perspectives on Recent Developments in the Study of Coercive Networks in Asia, Africa and the Caribbean », History Compass, 2009, 7/3, p. 659-677.

Thénault Sylvie, Violence ordinaire dans l’Algérie coloniale. Camps, internements, assignations à résidence, Paris, Odile Jacob, 2012.

Pour une approche plus large, voir les chapitres « Justice et statuts », « Violences coloniales » dans le manuel à paraître aux éditions Atlande.

Documents présentés :

1/ Loi du 21 décembre 1897 relative aux pouvoirs disciplinaires des administrateurs des communes mixtes, en Algérie. Cette loi intervint en renouvellement de la première loi accordant les pouvoirs disciplinaires aux administrateurs des communes mixtes d’Algérie. Votée en 1881, celle-ci n’avait été prévue que pour sept ans. Elle fut alors renouvelée pour deux ans en 1888 puis pour sept ans en 1890 et donc, de nouveau en 1897. Cette année-là, le texte innove en autorisant la conversion des peines d’amende ou de prison en journée de travail (art. 2). Par la suite, elle fit l’objet de multiples autres renouvellements, jusqu’en 1927.

2/ Statistiques sur l’usage de ces pouvoirs disciplinaires 1898-1910

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1/ Loi du 21 décembre 1897 relative aux pouvoirs disciplinaires des administrateurs des communes mixtes, en Algérie

Loi du 21 décembre 1897

 

Loi qui maintient pour sept ans aux administrateurs des communes mixtes, en territoire civil, le droit de répression, par voie disciplinaire, des infractions spéciales à l’indigénat

Art 1 : Les administrateurs des communes mixtes du territoire civil de l’Algérie conserveront pendant sept ans, à partir de la promulgation de la présente loi, à l’égard des indigènes musulmans non naturalisés habitant ces circonscriptions les pouvoirs de répression, par voie disciplinaire, des infractions spéciales à l’indigénat énumérées au tableau annexe à la présente loi.

Art 2 : Les infractions spéciales à l’Indigénat sont punies des peines de simple police – toutefois, si l’administrateur le juge utile ou si le contrevenant le demande, l’amende ou l’emprisonnement peuvent être remplacés par des prestations en nature imposées au condamné et devant consister en travaux d’entretien ou d’amélioration des voies de communication, fontaines ou puits d’usage public. La valeur en argent de la journée de prestation sera celle du tarif de conversion adoptée pour les chemins vicinaux – chaque journée de travail sera considérée comme équivalant à une journée d’emprisonnement, en tenant compte du temps nécessaire au condamné pour se rendre de sa résidence au lieu où la prestation devra être accomplie. Elle pourra être fournie en tâche.

Art 3 : L’administrateur inscrira sur un registre à souche, côté et paraphé, la décision qu’il aura prise, avec indication sommaire des motifs – extrait dudit registre sera transmis chaque semaine par la voie hiérarchique au gouverneur général – un volant détaché du registre à souche et portant les indications nécessaires sera remis à l’indigène puni.

Art 4 : Les décisions des administrateurs pourront être attaquées par la voie de l’appel devant le préfet pour l’arrondissement du chef-lieu, devant le sous-préfet pour les autres arrondissements, lorsqu’elles prononceront un emprisonnement de plus de 24h ou une amende de plus de 5f. L’appel produira un effet suspensif. L’appelant sera toujours admis à présenter en personne sa défense devant les sous-préfets ou les préfets.

Art 5 : Le préfet ou le sous-préfet pourra, si l’appel est fondé, substituer l’amende à l’emprisonnement, réduire et même supprimer la peine. Sa décision, notifiée à l’administrateur, devra être transcrite sur un registre à souche en marge de la décision infirmée.

Art 6 : Si l’appel n’est pas fondé, le préfet ou le sous-préfet pourra, en confirmant la décision, infliger une amende de 1 à 5f. La notification prévue au 2e paragraphe de l’article précédent sera également obligatoire.

Art 7 : Les infractions visées dans l’annexe de la présente loi pourront être atténuées ou même supprimées par un arrêté du gouverneur général.

Art 8 : Un arrêté du gouverneur général, soumis à l’approbation préalable du ministre de l’intérieur, déterminera les délais et formes de l’appel et réglera les conditions dans lesquelles devra s’exercer le pouvoir disciplinaire des administrateurs civils et le droit d’appel devant les préfets et sous-préfets pour assurer le droit de défense et la publicité des décisions.

Art 9 : Il sera rendu compte, chaque année, aux chambres, par le gouvernement, de l’application de la présente loi.

Tableau annexe

1 – Propos tenus en public contre la France et son gouvernement

2- Refus ou inexécution des services de patrouille ou de garde prescrites par l’autorité ; abandon d’un poste ou négligence dans les mêmes services

3 – Refus de fournir contre remboursement immédiat, au prix du tarif fixé par le préfet, les agents auxiliaires, les moyens de transport, les vivres, l’eau potable et le combustible aux fonctionnaires ou agents dûment autorisés et accrédités officiellement auprès du chef de la tribu ou du douar, dans les régions désignées tous les ans par un arrêté spécial du gouverneur général. Le tarif des divers objets soumis à réquisition sera par les soins du chef de la tribu ou du douar publié et porté à la connaissance des indigènes.

4 – Inexécution des ordres donnés en vue de l’application des lois relatives l’établissement et la conservation de la propriété. Omission ou retard dans les déclarations d’état-civil prescrites par la loi du 23 mars 1882 et inobservation de cette loi concernant l’usage du nom patronymique.

5 – Inobservation des décisions administratives portant attribution des terres collectives de culture, après avis de la djemaa consultée.

6 – Retard prolongé et non justifié dans le paiement des impôts, soulte de rachat de séquestre, amendes et généralement de toute somme due à l’Etat ou à la commune, ainsi que dans l’exécution des prestations faites en nature.

7 – Défaut d’obtempérer sans excuse valable aux convocations des contrôleurs et répartiteurs des contributions diverses à l’occasion de l’assiette et la perception des impôts.

8 – Dissimulation de matière imposable et connivence dans les soustractions ou tentatives de soustraction au recensement des animaux et objets imposables.

9 – Détention pendant plus de 24h d’animaux égarés sans avis donné à l’autorité.

10 – Asile donné, sans en aviser immédiatement le chef du douar, à des vagabonds ainsi qu’à tout étranger à la commune mixte non porteur d’un permis régulier.

11 – Défaut par tout indigène de faire immatriculer, dans un délai de 15 jours, les armes à feu dont il deviendra propriétaire, soit par héritage, soit par acquisition légalement autorisée.

12 – Habitation isolée, sans autorisation de l’administrateur ou de son délégué, en dehors de la dechera ou du douar ; campement sur les lieux prohibés.

13 – Défaut par tout indigène de se munir d’un passeport, permis de voyage, carte de sûreté ou livret d’ouvrier régulièrement visé lorsqu’il se rend dans un arrondissement autre que celui de son domicile. Le même permis de départ servira pendant un an sans être visé à chaque. (sic) Il sera retiré au détenteur qui en aura fait mauvais usage.

14 – Négligence de faire viser son permis de voyage dans les communes où l’on séjourne pendant au moins 24 h sur l’itinéraire suivi, dans un département autre que celui de la résidence – négligence de faire viser son permis au lieu de destination – le permis pourra contenir la dispense de l’obligation du visa sur le parcours de l’itinéraire.

15 – Défaut par tout indigène conducteur de bêtes de somme, de trait ou de monture, ainsi que de gros bétail destiné à être conduit sur un marché en dehors de la commune, de se munir d’un certificat, délivré sans frais par l’adjoint indigène de la section communale, qui devra en rendre compte immédiatement à l’administrateur, indiquant la marque ou le signalement des animaux dont il s’agit et le nom du propriétaire.

16 – Actes de désordre sur les marchés et dans les lieux publics, n’offrant pas un caractère de gravité suffisant pour constituer un délit.

17 – Refus ou négligence de faire les travaux, le service ou de prêter le secours dont ils auraient été requis dans les circonstances d’accidents, cas d’insurrection, brigandage, pillage, flagrant délit, clameur publique ou exécution judiciaire.

18 – Réunion sans autorisation pour ziara ou zerda (pèlerinage, repas public) – réunion sans autorisation de plus de 25 personnes du sexe masculin ; coups de feu, sans autorisation, dans une fête par exemple : un mariage, une naissance, une circoncision.

19 – Ouverture de tout établissement religieux ou d’ensemble sans autorisation.

20 – Refus de comparaître après avertissement écrit devant l’officier de police judiciaire.

21 – Négligence ou refus d’envoyer un enfant d’âge scolaire à l’école primaire, quand l’école est située à moins de 3 km et qu’il n’est pas présenté d’excuse valable.

22 – Transgression ou inexécution des ordres donnés par l’autorité administrative compétente, en vertu d’un loi ou d’un règlement.

23 – Infraction aux règlements d’eau et usages locaux concernant les fontaines, puits, sources, rivières et canaux d’irrigation indépendamment des amendes et dommages et intérêts encourus pour contravention à la police des eaux.

24 – Abattage, sans autorisation de l’administration, d’un ou plusieurs arbres d’une utilité reconnue, hors le cas prévu par l’art 7 de la loi du 9 décembre 1885.

25 – Refus de fournir les renseignements demandés par les agents de l’autorité administrative ou judiciaire dans l’exercice de leurs fonctions ; faux renseignements donnés à ces mêmes agents.

26 – Bris, détériorations, destruction, enlèvement ou déplacement de jalons, tas de pierres, témoins, signaux topographiques, bornes-limites, placés par l’autorité ou ses agents.

 2/ Statistiques sur l’usage de ces pouvoirs disciplinaires 1898-1910

PUNITIONS EN VERTU DES POUVOIRS DISCIPLINAIRES ET

CONVERSION EN JOURNÉES DE TRAVAIL

1898-1910

Période : second semestre d’une année et premier semestre de la suivante

Nombre de punitions

Conversion en journées de travail

(en valeur absolue)

Conversion en journées de travail (en pourcentage)

Nombre de journées de travail infligées

1898-1899

23 366

2 125

9 %

12 639

1899-1900

25 708

5 168

22 %

18 079

1900-1901

23 086

6 055

26 %

17 156,5

1901-1902

24 680

7 148

28 %

22 430

1902-1903

24 157

7 077

29 %

31 750

1903-1904

22 407

9 875

44 %

40 274

1904-1905

21 953

10 053

45 %

48 611

1905-1906

23 349

12 363

53 %

62 490

1906-1907

28 200

18 414

65 %

97 988

1907-1908

28 494

16 952

59 %

96 756

1908-1909

25 079

14 704

58 %

86 276

1909-1910

23 907

12 399

51 %

61 129

Total

294 386

122 333

41 %

595 578,5

Les motifs de punition les plus utilisés étaient le retard dans le paiement de l’impôt, la dissimulation

de matière imposable, les désordres sur les marchés, le défaut de permis de voyage, le refus

d’obtempérer aux services de garde ou de patrouille, le refus de répondre aux convocations de

l’officier de police judiciaire ou de fournir à l’autorité les renseignements qu’elle demandait.

Source :

Larcher Émile, commentaires des statistiques de punitions infligées par les administrateurs, dans la

Revue pénitentiaire, en : mai 1900, p. 819-823 ; mai 1901, p. 904-905 ; septembre-décembre 1902,

p. 1263-1265 ; février 1904, p. 333-336 ; juillet-octobre 1904, p. 1042-1044 ; juillet-octobre 1905,

p. 1100-1103 ; juillet-octobre 1906, p. 1095-1098 ; avril 1908, p. 664-668 ; janvier 1909, p. 129

132 ; avril 1911, p. 572-575 ; juillet-octobre 1911, p. 943-945 ; janvier-février 1914, p. 264-267.

Tableau extrait de :

Sylvie Thénault, Violence ordinaire dans l’Algérie coloniale. Camps, internements, assignations à résidence, Paris, Odile Jacob, 2012.